40 % des combattants cubains en Ukraine auraient des liens avec le régime de La Havane

Un rapport conjoint de l’ONG cubaine Ciudadanía y Libertad et de la Fondation Friedrich Naumann pour la Liberté révèle que près de 40 % des Cubains incorporés à l’armée russe auraient des liens directs avec le régime de La Havane. L’étude, fondée sur des renseignements ukrainiens non encore rendus publics, distingue deux groupes : une majorité de recrues trompées pour partir en Russie (60 %), et un contingent plus réduit mais significatif (40 %) composé de personnes liées aux forces armées ou aux autorités cubaines.

L’un des cas cités est celui de Yusbel González Turcas, fait prisonnier par l’armée ukrainienne. Avant son départ, il travaillait à Cuba comme « consultant en sécurité » dans un Joven Club de Computación, information vérifiable sur son profil LinkedIn. Le rapport ne fournit toutefois pas davantage de détails sur son parcours.

La présence de soldats cubains en Ukraine est documentée depuis 2023, notamment par elTOQUE, qui a retracé de nombreux témoignages de volontaires ou de recrues cubaines au sein de l’armée russe et mis en lumière certaines filières de recrutement. À ce jour, un seul combattant a admis avoir servi dans l’armée cubaine, sans préciser l’implication éventuelle des autorités dans son engagement en Russie.

Carolina Barrero, fondatrice de Ciudadanía y Libertad, estime que le régime cubain exploite depuis longtemps la précarité de la population. Dans un message publié sur Facebook, elle affirme avoir anticipé « une mobilisation à grande échelle » des Cubains, suivant « un schéma d’exploitation » déjà observé par le passé. Elle souligne que son rapport documente une – participation massive – de citoyens cubains aux forces russes, à partir de sources militaires ukrainiennes, de médias internationaux et de témoignages directs.
Le document cite également la colonelle Mónica Milián, attachée militaire à l’ambassade de Cuba en Russie et en Biélorussie, comme figure clé du recrutement, un point appuyé par des rapports de renseignement ukrainiens.

Un enjeu pour l’Europe

Le rapport s’interroge sur les conséquences pour l’Europe d’un phénomène se déroulant à des milliers de kilomètres. Les auteurs rappellent que les combattants cubains reçoivent une formation avancée en guerre électronique, en utilisation de drones et en coordination d’artillerie. Les vétérans qui retourneront à Cuba pourraient mettre ces compétences au service du régime ou de gouvernements alliés tels que le Venezuela ou le Nicaragua.

Bien que l’Union européenne applique des sanctions strictes contre la Russie, ses relations avec La Havane demeurent relativement stables. L’Espagne, par exemple, continue d’accorder des crédits et des allégements de dette à Cuba.
Selon le rapport, l’absence de sanctions pour l’envoi de mercenaires cubains pourrait encourager d’autres gouvernements autoritaires à suivre le même modèle.

Un partenariat militaire historique

La coopération militaire entre Cuba et la Russie remonte à la guerre froide. Le rapport évoque notamment la possible réactivation de la base d’espionnage de Lourdes, située à seulement 150 kilomètres de Key West, en Floride. Officiellement fermée en 2001, elle aurait fait l’objet d’accords secrets pour sa remise en service dès 2014.

Le document affirme par ailleurs que la Chine exploite trois autres sites de renseignement à Cuba, dont celui de Lourdes. En mai 2025, la Commission de la sécurité nationale de la Chambre des représentants américaine a consacré une audition entière à l’analyse de ce réseau de surveillance sino-cubano-russe.

La Havane nie toutefois toute implication officielle dans le conflit ukrainien, assurant que les Cubains partis combattre en Russie l’ont fait de leur propre initiative. Les autorités affirment avoir poursuivi une quarantaine de personnes pour mercenariat, mais plusieurs anciens combattants revenus de Russie n’auraient fait face à aucune sanction.

De son côté, le Département d’État américain qualifie le recrutement de Cubains pour la guerre en Ukraine de trafic d’êtres humains à des fins militaires — une définition qui, si elle était adoptée par l’Union européenne, pourrait entraîner une révision des programmes de coopération avec La Havane.

Entre 2 000 et 25 000 combattants cubains

Les autorités ukrainiennes avancent des estimations très variables : le contingent cubain pourrait atteindre jusqu’à 25 000 combattants, ce qui en ferait la deuxième force étrangère la plus importante après celle de la Corée du Nord. Reuters évoque un chiffre plus modéré d’environ 5 000 combattants, tandis que les documents confirmés à ce jour permettent d’en recenser près de 2 000, dont plus de 40 auraient été tués.

Ernesto Eimil

elTOQUE


Enrique   |  Actualité, International, Politique   |  12 4th, 2025    |