La vie cachée de Fidel Castro, maître absolu de Cuba

Le problème avec le « secret défense » appliqué à la vie d’un homme public et à la pensée unique des régimes autoritaires est qu’ils finissent toujours par être ébruités.La vie cachée de Fidel Castro est un livre de confidences écrit par le lieutenant colonel Juan Reinaldo Sanchez, ancien garde du corps du dirigeant cubain, en collaboration avec le journaliste Axel Gyldén (aux éditions Michel Lafon, 336 p. avec un cahier de photos, 19,95 euros, en vente à partir du 28 mai).

Cet officier a fait partie de la garde rapprochée du Lider Maximo pendant dix-sept ans. Il a ensuite été emprisonné pendant deux ans, pour avoir voulu prendre sa retraite. Au prix de multiples péripéties, il est parvenu à s’enfuir de Cuba en 2008 et à rejoindre sa famille aux Etats-Unis.

Sa première révélation concerne le patrimoine et le train de vie de Castro, très éloignés de l’image austère qu’a toujours véhiculé la propagande. Outre ses nombreuses demeures plus ou moins officielles, Castro s’est aménagé une maison secondaire sur une île paradisiaque, Cayo Piedra, où seuls quelques élus triés sur le volet, tels que l’écrivain Gabriel Garcia Marquez, ont été invités à partager ses loisirs, notamment la pêche et la plongée.

La vie privée et l’épouse de Castro sont restés longtemps confidentielles, soi-disant pour des raisons de sécurité. Le lieutenant colonel Sanchez s’épanche sur la dynastie familiale, avec neuf enfants de Fidel, plus ou moins connus. Raul Castro, son frère cadet et successeur, a veillé à maintenir un semblant de vie de famille, pour pallier le manque d’intérêt de l’aîné. Parmi les fils du Lider Maximo, deux ont eu un rôle public : Fidelito, formé en Union soviétique, et Antonio, devenu le vice-président de la fédération internationale de base-ball, un sport appelé à laisser des profits juteux depuis le tournant vers la professionalisation.

Les enfants de Raul Castro sont mieux placés en vue d’une éventuelle succession dynastique. Mariela Castro Espin, députée à l’Assemblée nationale, a embrassé la cause de la diversité sexuelle et offre ainsi le visage le plus avenant de la famille. Le colonel Alejandro Castro Espin est un personnage plus sulfureux, spécialiste des relations internationales et du renseignement. Sans oublier le petit-enfant, Raulito, chargée de la protection rapprochée de Raul Castro.

L’ouvrage détaille aussi la manie des enregistrements et de la surveillance tous azimuts de Fidel, qui touche son propre entourage (deux ministres, dauphins pressentis, en ont fait les frais). L’affaire Ochoa, du nom du général qui avait commandé les troupes cubaines en Angola, fusillé en 1989 pour des trafics en service commandé, à la suite d’un procès stalinien, reste le principal traumatisme des gradés cubains. Le témoignage des interrogatoires et de l’emprisonnement de Sanchez apporte une nouvelle preuve de la pratique de la torture dans les geôles cubaines.

Enfin, l’obsession de Fidel pour le pétrole vénézuélien, qui remonte à 1959, année de son arrivée au pouvoir, éclaire les récents développements de la crise de gouvernance à Caracas, depuis la mort du lieutenant colonel Hugo Chavez en 2013.

A force de monopoliser le récit politique et l’histoire de Cuba depuis plus d’un demi-siècle, le castrisme a écrasé de multiples voix et d’autres versions, révolutionnaires ou dissidentes. Malgré le vieillissement des acteurs et des témoins, on verra sans doute bientôt une prolifération des diverses versions étouffées, en attendant l’ouverture des archives. L’histoire n’absout jamais les dictateurs.

Paulo A. Paranagua

Le Monde. Blog América latina (VO)


Enrique   |  Politique, Société   |  05 21st, 2014    |