Cuba et la Fédération anarchiste d’Amérique centrale et de la Caraïbe dans l’émission “Trous noirs” sur Radio libertaire

Radio Libertaire a reçu hier notre compagnon Daniel Pinós avant son départ pour Santiago de los Caballeros, en République dominicaine, où va se tenir les 21 et 22 mars prochain le congrès constitutif de la Fédération anarchiste d’Amérique centrale et de la Caraïbe (FACC). Il y représentera la Fédération anarchiste et l’Internationale des Fédérations anarchistes (IFA).
L’initiative vient de contacts entre les anarchistes de l’”Atelier libertaire Alfredo Lopez” de Cuba et de “Kisqueya libertaria” en République dominicaine, souhaitant établir des liens entre les îles de la Caraïbe. Les réactions enthousiastes de compagnons du continent voisin (Costa Rica, Salvador, Porto Rico, Venezuela, Guatemela, Mexique), et aussi d’américains de Floride et de Californie (où se trouvent de nombreux anarchistes cubains en exil) ont fait naître l’idée d’élargir cet élan fédérateur à l’Amérique centrale.
Dans le journal “La Libertad” de décembre 2010, on lisait déjà : “La Caraïbe existe là où se trouvent ceux qui vivent leurs contradictions et leurs inégalités et qui en souffrent. Mais elle existe aussi là où sont les amis et les compagnosns qui partagent leurs idées, leur sentiment et leurs luttesLa fédération régionale peut être un des moyens de dynamiser et de renforcer notre identité“.
L’identité des peuples est enracinée sur des réalités géographiques et historiques, qui n’ont que faire des frontières étatiques : les anarchistes, et particulièrement Élisée Reclus, l’ont depuis longtemps exprimé et mis en pratique.
Dans cette émission Daniel, qui a fait depuis des années de nombreux voyages à Cuba, rappelle que sur cette île le mouvement anarchiste était très important, développant l’éducation populaire (journaux lus collectivement, brochures, écoles, associations culturelles…) et un mouvement ouvrier sur des bases anarchosyndicalistes, amenés par les nombreux espagnols qui venaient travailler à Cuba. Le patronat et l’État menèrent une répression féroce pour tenter d’enrayer les nombreuses grèves dans l’industrie du tabac, de la canne à sucre… Ainsi Alfredo López, secrétaire de la Confédération nationale ouvrière cubaine, anarchosyndicaliste, fut arrêté en juillet 1926, puis porté “disparu”, son corps étant retrouvé 3 ans plus tard : c’est pour rappeler la continuité de l’action anarchiste qu’il y a quelques années de jeunes cubains, redécouvrant leur propre histoire, totalement occultée, prirent ce nom d’”Ateler libertaire Alfredo López”.
L’arrivée au pouvoir début 1959 des frères Castro et de Che Guevara ne fit pas cesser la répression pratiquée par le régime de Batista, bien au contraire. Avec l’appui du Parti communiste cubain et des conseillers soviétiques, les anarchistes cubains furent emprisonnés, tués ou durent s’exiler. Fin 1960, les derniers textes qu’ils purent publier dénonçaient “l’étatisation, la subordination des syndicats au pouvoir, une réforme agraire qui dépossède les paysans de toute autonomie, le nationalisme, la militarisation, le centralisme, les dérives autoritaires du nouveau régime, les persécutions politiques…” (“Manifeste des l’Association syndicaliste libertaire de Cuba”) et  affirmaient “La dictature du prolétariat est impossible : aucune dictature ne pourra libérer le prolétariat, seulement le dominer” (“Solidaridad Gastronómica“) ; un peu plus tard : “Exproprier des enteprises capitalistes, les remettant aux travailleurs et aux techniciens, ceci est la révolution. Mais les convertir dans des monopoles d’État dans lesquels le seul droit du producteur est d’obéir, ceci est la contre-révolution“. (“Mouvement libertaire cubain en exil”).
Dans ce pays “socialiste” il était affirmé, dès 1964 : “Les travailleurs étant les propriétaires des moyens de production, ils ne peuvent faire grève contre eux-mêmes“. Che Guevara déclarait à la même époque : “Les travailleurs cubains doivent s’habituer à vivre dans un régime collectif, donc ils ne peuvent faire grève“. Peut-être peut-on suggérer aux fabricants de millions de tee-shirts portant fièrement l’effigie du “Che” d’imprimer cette belle phrase au dos du vêtement…
Pour écouter l’émission : http://trousnoirs-radio-libertaire.org/

Enrique   |  Actualité, Politique   |  03 10th, 2015    |