Economie. Le tournant politique au Venezuela privera-t-il Cuba de pétrole bon marché ?

Depuis des années, le Venezuela approvisionne Cuba en pétrole, à un tarif préférentiel. Avec le tournant dans la politique vénézuélienne, la suppression éventuelle de cette aide économique pourrait avoir de lourdes conséquences sur l’île.

La question est dans toutes les têtes : le Venezuela continuera-t-il de pourvoir Cuba en pétrole à prix d’ami ?

Le 6 décembre, les élections législatives au Venezuela ont donné une large majorité de 112 sièges sur 167 à l’opposition au régime bolivarien de Nicolás Maduro. Dès lors, la marge de manœuvre de ce nouveau parlement dominé par la coalition “arc-en-ciel” de la MUD (Table de l’unité démocratique) est importante, en particulier sur le plan économique.

Les mesures économiques urgentes à l’étude au sein de cette nouvelle majorité pour redresser le pays pourraient avoir un impact important sur Cuba, allié naturel du régime bolivarien qui n’est désormais plus seul à décider.

Cuba très dépendant du Venezuela

L’économiste cubain Carmelo Mesa-Lago qui vit aux Etats-Unis explique dans une interview à El País qu’“un quart de l’économie cubaine dépend du Venezuela”. L’approvisionnement de l’île en pétrole vénézuélien, notamment, est estimé “à 105 000 barils par jour à des prix préférentiels qui couvrent 60% des besoins de l’île. Cuba raffine en outre sur son sol du brut vénézuélien, générant un excédent que La Havane exporte sur le marché mondial”, précise l’économiste.

Si les aides et partenariats du Venezuela à Cuba se réduisaient considérablement ou disparaissaient tout bonnement, estime-t-il, “cela provoquerait la plus forte crise économique et sociale sur l’île depuis la chute des régimes communistes”.

La presse cubaine pro-régime n’évoque pas ces inquiétudes. Dans un message de soutien au président Nicolás Maduro publié ce 11 décembre par Granma, le líder máximo Fidel Castro attribue l’appauvrissement actuel de l’Etat vénézuélien “aux multinationales qui ont extrait de ses entrailles depuis plus de cent ans, la quintessence de l’immense gisement de pétrole que la nature lui a donné”.

Un facteur d’influence qui dérange les Etats-Unis

La population cubaine, de son côté, n’est pas dupe et “a bien vu s’approcher une nouvelle crise sur l’île avec la chute annoncée du chavisme au Venezuela”, note le site indépendant Cubanet basé en Floride. Le site rappelle que le gouvernement de Raúl Castro a essayé de diversifier ses ressources économiques, en particulier en monnayant ses services d’excellence en matière médicale, pour réduire sa dépendance à l’égard de son allié vénézuélien. “Mais il est difficile de compenser le poids économique du Venezuela”, observe Cubanet.

Il n’est pas dit que l’opposition vénézuélienne supprime le programme”, baptisé Petrocaribe, d’approvisionnement de Cuba et de plusieurs autres pays caribéens en pétrole à prix doux, analyse El Nuevo Herald. “Les leaders de l’opposition ont longtemps critiqué ce programme, dont on estime qu’il a privé le Venezuela, ces dix dernières années, de quelque 50 milliards de dollars [plus de 45 milliards d’euros] de recettes”. Mais Petrocaribe a aussi apporté au Venezuela “une forte influence politique dans la région”, souligne El Nuevo Herald. Une influence qui a agacé les Etats-Unis au point que l’administration américaine “​étudie comment mettre au point une manière de contrer cette influence”.

Sabine Grandadam

Courrier international


Enrique   |  Actualité, Politique, Économie   |  02 9th, 2016    |