Cuba…

Il n’est pas de problème tabou, tout ce qui passionne les hommes est nôtre et doit être dit: ainsi nous disons que la révolution cubaine est bolchevisante. Nous en voyons la preuve dans le fait qu’une bonne partie des opposants à Battista ont été soit décimés, soit éliminés.

Si une route reliait Cuba au continent il est probable que la moitié de l’île serait désertée, tout comme Berlin-Est l’est actuellement. Il est normal qu’aient fui, dès les premières semaines, ceux auxquels la révolution faisait perdre leurs privilèges; mais maintenant il s’agit de ceux qui professent une franche opposition à un régime niant les libertés. Ce ne sont pas des éléments réactionnaires qui s’échappent, mais des anciens soutiens du régime. Car ce dernier, pour se libérer du carcan de la Maison Blanche a commis, soit de propos délibéré, soit par nécessité, la grande faute de se laisser capter par la bureaucratie du Kremlin.

Une révolution doit répondre aux intérêts du peuple et non à l’orthodoxie démagogique d’un groupe. Dans le cas présent ses dirigeants devaient savoir que, pour avoir accepté l’aide de Moscou, ils hypothéquaient les destinées de Cuba. Nous croyons que Cuba est dominé par des démagogues plus verbeux que capables de comprendre la situation, que les Cubains se sont livrés, pieds et poings liés à un communisme aux antipodes de leur aspiration à la liberté.

N’existait-il pas d’autre solution? Nous pensons qu’avant de commettre une telle faute on pouvait es- sayer un type de révolution ayant ses racines dans le peuple, et il restait en tous cas le recours à l’aide des autres peuples du continent américain.

Les événements confirment qu’une vague révolutionnaire s’appuyant sur l’un des deux blocs n’est pas capable de libérer l’homme. Qui peut appeler la révolution cubaine «socialiste»? La réalité communiste se meut dans une orbite impérialiste, puisqu’elle repose sur l’armée, les canons et les engins de destruction massive. On prétendra que c’était nécessaire à l’anéantissement du capitalisme. Mais qui osera affirmer que cela ne conduit pas à un monde bureaucratique et militariste? «Ils croient conquérir l’État, et c’est l’État qui finit par les absorber», a dit Kropotkine. C’est si vrai que nous ne concevons pas que ce formidable appareil composé de fonctionnaires, généraux, etc… vienne à renoncer à ses prébendes pour céder le pas au socialisme.

Affermir l’État est une méthode qui finit par corrompre les vrais objectifs de la révolution: de libératrice elle se fait oppressive, les rebelles d’hier deviennent de vulgaires tyrans. Ainsi cette république populaire se mue en instrument de l’impérialisme russe, de même que Formose est un instrument de l’impérialisme yankee. La révolution cubaine peut maintenant être comparée l’un de ces coups d’État où l’on dépossède des privilégiés pour nantir de nouvelles classes, surgies de cette mystification appelée communisme.

Si les ouvriers et les paysans cubains jouissent un jour de la liberté, ce ne sera pas avant d’avoir détruit également et le capitalisme et cette déformation du socialisme qui sera toujours de caractère impérialiste.

José VIADIU

«Tierra y Libertad» – Mexico – janvier 62.


Enrique   |  Histoire, Politique   |  11 26th, 2018    |