A Cuba, dernière ligne droite avant la fusion de ses deux monnaies

La réforme, qui doit réunir en une seule les deux monnaies locales, va mettre fin au taux préférentiel accordé aux entreprises d’Etat – qui représentent 80% de l’économie. Mécaniquement, cela fera grimper les coûts de production et les prix. En pleine crise du Covid-19, le risque de faillites est aussi décuplé. Retour sur les 5 points clés de ce changement majeur pour l’île.

C’est un système unique au monde: à Cuba, deux monnaies locales cohabitent depuis 26 ans, mais le gouvernement communiste prévoit de bientôt n’en garder qu’une, dont le cours risque de souffrir face au dollar, récemment réintroduit sur l’île.

Le processus, repoussé depuis des années dans l’attente du meilleur moment pour le faire, pourrait finalement survenir dans le pire contexte, alors que l’économie cubaine, acculée par les sanctions américaines et la pandémie de coronavirus, devrait chuter de 8% cette année, selon les prévisions de la Cepal, commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine.

Voici cinq points-clés pour comprendre la réforme:

1 – Une seule monnaie…Première victime: le peso convertible ou CUC, aligné sur le dollar et né justement pour accompagner puis remplacer cette devise, en circulation sur l’île de 1994 à 2004. Il disparaîtra pour ne laisser place qu’au peso cubain ou CUP, qui vaut 24 fois moins. Le gouvernement assure que l’épargne en CUC ne sera pas dévaluée.

Ces dernières années, le CUC a perdu sa convertibilité en dollar, car le gouvernement a dépensé les billets verts servant de garantie à cette monnaie.

2 – … mais le dollar revient. C’est le grand changement de ces derniers mois à Cuba: le retour du dollar, depuis octobre 2019, avec l’ouverture de magasins d’électroménager et alimentaires où l’on ne peut payer qu’en devise étrangère et par carte bancaire.

De quoi doper la demande pour le dollar, qui s’échange désormais sur le marché noir à 1,50 CUC.

3 – Le problème: le taux de change. A Cuba, un citoyen lambda fait le plein avec une essence à 1 CUC le litre, soit 24 CUP. Mais une entreprise d’Etat bénéficie d’un taux allégé, tout comme pour ses importations, et ne paie son litre de carburant qu’1 CUP (0,04 dollar).

Comme les entreprises d’Etat représentent 80% de l’économie, l’effet de distorsion est énorme. C’est une “planche de survie” pour les entreprises non rentables, a reconnu récemment le conseiller du ministère de l’Economie Lazaro Toirac.

L’effet joue en sens inverse pour celles qui exportent, payées seulement un CUP par dollar gagné. De quoi rendre illisibles les comptes de l’économie cubaine, qui reposent en grande partie sur des taux artificiels.

4 – Les conséquences. L’unification monétaire signifie en finir avec le taux préférentiel accordé aux entreprises d’Etat: cela fera grimper leurs coûts de production et donc leurs prix. Beaucoup risquent la faillite.

Face à cette situation, plusieurs experts suggèrent de subventionner les produits de première nécessité, ou d’augmenter les salaires, 70% de la population active travaillant pour l’Etat.

La réforme devrait en tout cas accélérer le développement du secteur privé, mieux préparé car travaillant déjà en taux réels.

5 – Un taux de change réaliste. Le but, à terme, est d’obtenir un taux de change réaliste du CUP, en fonction du marché, même si au départ il devra encore cohabiter avec le dollar, considéré comme une monnaie plus solide.

“Ce n’est un secret pour personne que l’unique monnaie qui restera en circulation à Cuba sera le CUP, et l’objectif est de le rapprocher d’un taux de change qui puisse être reconnu par rapport aux devises internationales, afin de clarifier les transactions”, selon Lazaro Toirac.


Enrique   |  Politique, Économie   |  10 3rd, 2020    |