“Réconciliation” par Escuadrón Patriota et Raudel Collazo Pedroso

Raudel Collazo Pedroso interprète ici l’un des thèmes inclus dans son dernier album : “Nous sommes les racines du changement”. 
 Raudel frappe par son courage et en raison de l’absence de toutes paroles vulgaires et sans aucun appel à la violence dans ses chansons. Ce qui n’empêche pas au groupe d’être censuré par la dictature cubaine. 
 Raudel est un jeune cubain de 35 ans, diplômé en psychologie, il prépare actuellement une maîtrise et pratique la philosophie rastafari.
Il vit à Guïnes, sa ville natale. Il est issu d’une famille modeste, des travailleurs, avec des parents enseignants. Il a vécu 22 ans de sa vie, comme la plupart des jeunes Cubains sous la domination du système castriste. Jusqu’à ce qu’il se réveille en 2001, quand il prit conscience des événements et des faits qui formaient sa vie et la réalité des personnes qui avaient la même condition que lui. Il ne comprenait pas pourquoi tant de gens vivaient dans la pauvreté dans un pays qui se targuait du fait que tout va bien, que les problèmes sont minimes, alors qu’en réalité ils sont nombreux, surtout pour les gens à la peau noire. 
Il commença à montrer des signes de mécontentement et de désaccord et l’aboutissement de tout cela vint quand il connut le mouvement hip hop.

Lors de son premier concert entre les rues 19 et 10 dans le quartier du Vedado, il parla avec plusieurs personnes qui plus tard sont devenus des amis et des frères, il réalisa qu’il était conquis et que le hip hop était la meilleure manière de transmettre tout ce qu’il portait en lui, et ce qu’il avait besoin d’exprimer. 
 Au début, il ne pensait pas avoir la capacité à faire du rap et il chercha ceux qui défendaient ce genre de musique dans la région de Guïnes. Il s’est mis en relation alors avec un groupe composé de deux frères : les Patriotes. Il leur dit qu’il écrivait des rimes pour le rap. Ils lirent les textes, ils aimèrent et commencèrent à chanter ses chansons. Enfin, en 2003, il décida de rapper ses propres chansons, les Patriotes lui ouvrir le chemin et il se mirent à travailler avec lui. Au fil du temps, le projet s’appela Escuadrón Patriota.
En 2004, les deux frères quittèrent le groupe. En 2005, le projet Escuadrón Patriota fut déclaré “censuré” et privé de tout appui institutionnel pour avoir chanté des chansons considérées comme “contre-révolutionnaire”. On l’interdit alors de participer à de nombreux événements. Durant cette époque, l’autre membre de l’Escadron quitta le groupe et Raudel se retrouva seul à la tête du projet. 
 En 2008, il enregistra, de façon indépendante, l’album “Mon témoignage”.
Raudel déclare que son message est de rappeler aux gens qu’il y a des problèmes et que tout n’est pas parfait dans la société cubaine, il ne considère pas cela comme un défi au régime cubain, mais c’est son expression, elle a quelque chose de commun avec l’être humain, le droit à l’expression de critères différents, le droit à la contradiction. Il se bat pour qu’”il y ait un minimum de développement dans une société, pas seulement économique ou politique, mais spirituel aussi, pour qu’un débat puisse exister, des idées puissent être affirmées”.
“Je suis né ici, je vis ici, j’ai le droit d’exprimer mes idées et de les faire entendre. Je ne pense pas qu’avec une santé et une éducation gratuite on résout tous les problèmes d’un pays. Il y a la liberté de chaque individu à la libre expression des idées, de les exprimer ouvertement et de les défendre, même si elles remettent en question l’ordre établi. Je ne peux pas comprendre comment on peut construire une nation avec un seul critère, qui de plus est déphasé aujourd’hui”.
Il affirme : “nous devons penser à tout et à tous, parce que je suis convaincu que les intérêts d’une personne de soixante-dix ans et plus ne sont pas les mêmes que ceux d’un  jeune. Je ne conçois pas qu’une personne plus âgée puisse décider pour les plus jeunes”.
Ses chansons de protestation sont tolérées par le système par le régime (jusqu’à présent) sans autres représailles que les interrogatoires de la sécurité d’état, la proscription de ses créations dans tous les médias nationaux et l’exclusion de tous les studios d’enregistrement par le gouvernement de l’île.

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Un studio d’enregistrement clandestin au rez-de-chaussée d’un “solar”, une vieille maison coloniale en décrépitude. C’est là, dans un quartier marginal de La Havane, dans un réduit de 15 m2 à deux pas de la maison d’un “santero”, un religieux pratiquant la regla de Ocha (une religion africaine), que Raudel, artiste du projet interdit et censuré Escuadrón Patriota enregistre ses brûlots anti-système. Par un après-midi du mois d’août, dans la moiteur de ce studio à la température de 38°, un jeune amateur de rap français Christopher Pinós a rejoint Raudel afin d’enregistrer le premier titre de Hip Hop franco-cubain : “Catarsis”. Une rencontre entre deux générations, deux voix, une seule pensée, une seule connection : rap Cuba.

Ce titre est à entendre ici :

Catarsis


Enrique   |  Culture, Société   |  10 20th, 2011    |