L’héritage de Laura Pollan

Il faut être très intelligente et très courageuse pour faire ce que Laura a fait, sachant qu’elle serait maltraitée, peut-être pas torturée, mais plutôt maltraitée, ce qui a aggravé, en raison de son âge, sa santé défaillante.

Elle arpentait la rue, avec ses compagnes toutes vêtues de blanc et portait des fleurs à la main, sans offenser personne même si elles étaient offensées, sans demander la chute d’un tel ou d’un tel, sans encourager la haine. Mais ce système agit comme s’il avait très peur, comme si une brise légère soufflée par un citoyen, qui a pourtant peur lui aussi, pouvait balayer le pouvoir  comme une feuille au vent, n’est-ce pas vrai ?

Ce n’est pas de l’admiration béate que j’ai pour Laura, j’ai perdu ma sympathie pour elle quand dans un chapitre de “Raisons de Cuba” j’ai lu qu’elle soutenait le coup d’État au Honduras et qu’elle conversait directement avec le chef de la junte à l’origine du coup d’État.

Je ne suis pas innocent, je sais que cela pouvait être une astuce, un montage, mais j’ai l’impression que dans ce cas, cela ne l’était pas. De toute façon, comme on ne lui a jamais permis de s’exprimer publiquement on est en devoir de douter, de croire, par exemple, qu’elle aurait pu ensuite changer d’avis.

Je ne sais pas quels autres liens avait Pollan avec le gouvernement des États-Unis. S’il est vrai que ce pays la finançait et lui dictait ce qu’elle avait à faire je le désaprouve,  mais cela ne m’empêche pas de reconnaître qu’avec ses compagnes  Laura a découvert un moyen très ingénieux de reconquérir “la rue”, qui à partir de cet instant ne sera plus uniquement la propriété des “révolutionnaires”.

Grâce à elle, “la rue” est disponible pour quiconque veut l’utiliser, y compris la gauche, et notre meilleur hommage à la défunte sera d’empêcher qu’elle redevienne la propriété d’un seul.

Erasmo Calzadilla

Publié en espagnol sur le site d’Habana Times :

http://www.havanatimes.org/sp/?p=51996

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À propos des Dames en blanc :

Laura Pollan, la leader des “Dames en blanc”, prix Sakharov 2005 du Parlement européen et regroupant les épouses et proches de dissidents cubains emprisonnés, est décédée vendredi dans un hôpital de La Havane.

Laura Pollan, 63 ans, avait été hospitalisée d’urgence le 7 octobre à La Havane et placée en soins intensifs. Elle souffrait d’une infection pulmonaire d’origine virale.

Avec Berta Soler, autre épouse d’un dissident, Laura Pollan dirigeait les Dames en blanc, une organisation créée après l’arrestation et la condamnation en 2003 de 75 opposants cubains, dont son mari Hector Maseda. Ces prisonniers politiques ont tous été libérés, au terme de négociations entre le gouvernement de Raoul Castro et l’Eglise catholique menées en mai 2010.

Les Dames en Blanc, récompensées par le prix Sakharov 2005 du Parlement européen, avaient fait porter dimanche la responsabilité de la “santé” et de l’éventuel “rétablissement” de leur dirigeante sur les autorités cubaines.

Les Dames en Blanc sont considérées comme “le fer de lance de la subversion” à Cuba par les autorités qui les accusent d’être financées par les Etats-Unis.


Enrique   |  Politique, Société   |  10 31st, 2011    |