Les gens veulent se mobiliser

Quelle attitude le gouvernement assumerait si débutait une vague de manifestations populaires ? Première partie d’un article.

Depuis quelques temps, on respire dans la rue un air différent. De plus en plus de personnes, des jeunes en majorité, ne dissimulent  même plus dans le langage courant leurs désirs de se mobiliser pour obtenir ce dont nous avons besoin : ”Chama, quand faisons-nous quelque chose de d’important” me disent certains avec des visages très déterminés…

Je pense qu’ils entendent par quelque chose d’”important” une action concrète pour nous mettre sur le pied de lutte contre le système. Je pense que dans presque tous les cas, ils ne se réfèrent pas à une lutte armée, mais à des actions de de revendication populaire que les masses ont  toujours utilisées : manifestations, grèves, arrêts de travail, rassemblements et, plus récemment, l’éventail complet des possibilités offertes par les nouvelles technologies pour mener, à travers le réseau, ces “batailles”.

Toutes ces intentions montrent que pour une bonne part des Cubains, le stade où l’on devient conscient de la nécessité de changements urgents et profonds dans notre société a été dépassé et qu’ils ont atteint une maturité supérieure. Cette maturité permet d’assumer une plus grande vivacité dans les prises de décisions, parallèlement à la mise en œuvre de mesures gouvernementales qui ne seraient pas conformes à ce que les gens veulent et dont ils ont besoin. Il est donc essentiel de faire pression plus fort et avec plus de détermination à partir d’une avant-garde civile.

Dans ce contexte, il est raisonnable de se poser une série de questions : quelle est la meilleure façon de commencer un processus par lequel le peuple exige du gouvernement ouvertement et directement les changements qu’il souhaite ? Qui doit organiser et diriger ce processus ? De quelle manière et en utilisant quels moyens de communication ? Quelle attitude assumera le gouvernement si commence à Cuba une vague de manifestations populaires ?

Pour analyser ces questions nous pourrions commencer par la fin. Je pense qu’il est certain que le gouvernement a prévu depuis toujours et à bien des égards un scénario possible dans lequel se produiraient des soulèvements populaires, soit dans la capitale ou dans n’importe quel autre recoin obscur du pays.

Auparavant dans l’histoire de ces 50 dernières années, des personnes de manière individuelle, des petits ou des grands groupes ont tenté de manifester et la réponse a toujours été la même. Les tactiques employées par le gouvernement pour mettre immédiatement fin au développement de ces protestations ont reposé sur l’utilisation de forces officielles directement ou, plus communément, à travers des groupes organisés à cette fin par les forces répressives. C’est-à-dire, afin de faire le travai des forces répressives. Mais, on est frappé par l’importance des forces engagées pour affronter des manifestations presque insignifiantes (sauf peut-être lors des événements de 1994 aux alentours du Malecón à La Havane).

Je répète alors la question : qu’elle attitude assumerait le gouvernement si avait lieu à Cuba une vague de manifestations populaires ?

Beaucoup croient que la comédie s’arrêterait  et que le vrai visage du gouvernement militaire serait mise en évidence. Il agirait de la même manière qu’ont agi tous les régimes totalitaires quand ils ont vu leur pouvoir menacé. Les expériences communistes ont une histoire commune à cet égard. Cela a à voir avec le fait que, lorsque les manifestations pour réclamer des mesures, des lois, etc… sont interdites, les peuples qui vivent sous ces régimes manifestent  parce que l’objectif de ces manifestations est de mettre fin au système et provoquer un changement radical dans la situation du pays.

Le gouvernement cubain sait cela parfaitement. Et même si il est logique que l’on maintienne au secret les détails des plans d’urgence, certaines choses sont déjà claires : d’abord le pays détient tout l’équipement nécessaire pour la lutte contre des émeutes et il a effectué quelques “déploiement d’essai” où l’on a pu prendre conscience que l’intention est de se préparer à des événements majeurs.

Récemment, j’ai appris, grâce à une source fiable, qu’à Puerto Padre on a organisé une force appelée Brigade d’infanterie terrestre. Ce groupe de personnes (environ trois cents pas exactement préparé et peu instruites dans leur majorité) a été mobilisé par les FAR (Forces armées révolutionnaires) pour recevoir des cours théoriques et pratiques liés à la défense. Mais lors de la 4e conférence, il faut signaler la surprenante présence d’un officier du Ministère de l’Intérieur venu donner un cours magistral sur la manière de réprimer les manifestations.

La première phrase de cet officier spécialiste en la matière fut : “Vous avez vu que dans le monde il y a des pays qui deviennent ingouvernables, non ?  Eh bien, il faut les gouverner ?”

Sans doute,  il faisait allusion aux récents événements révolutionnaires dans les pays arabes. L’officier a ajouté : “ici aussi, il peut arriver que les Yankees paient un groupe de gens pour qu’ils sortent dans la rue, et à cet instant il faut être plus rapide et efficace afin de faire en sorte qu’ils ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs”.

Il est extrêmement important de noter dans ce discours qu’il ne laisse aucun espace, ni aucun choix au fait que les Cubains puissent manifester par leur propre volonté en raison de la situation économique, politique ou social du pays.

Dans ses paroles, nous devons comprendre qu’il n’y a aucune raison à Cuba pour que quelqu’un sorte dans la rue et revendique autrement qu’en étant payé par les Yankees. C’est le seul cas possible.

De ce point de vue, le maître  a enseigné aux élèves, les techniques de frappe, de blocage, de contrôle, de défense en cordons, etc…

Cette brigade formée et entraînée à Puerto Padre agira dans la municipalité voisine de Manati. Selon ce principe, s’il y a des “problèmes” à Puerto Padre, des gens entraînés viendront d’ailleurs nous frapper ici. Cela évite que les gens se connaissent entre eux et que le facteur pitié soit réduit au minimum.

Eliécer Ávila/Diario de Cuba

Le 9 février 2008, l’auteur de cet article, un jeune étudiant cubain, Eliécer Ávila Sicilia, a posé plusieurs questions à Ricardo Alarcón, président de l’Assemblée nationale, lors d’une visite effectuée par ce dernier à l’université locale. Alarcón a été interpellé à propos du fait que les Cubains ne peuvent se rendre librement à l’étranger, ni descendre dans des hôtels pour touristes, et à propos de l’interdiction d’accès à certains serveurs Internet et l’existence de deux monnaies. L’intervention d’Eliécer Ávila Sicilia a été diffusée dans diverses vidéos sur le net qui peuvent être aisément visionnées.



Enrique   |  Politique, Société   |  01 9th, 2012    |