Paranoïa critique chez les héritiers cubains de la Pravda

À Cuba, ces derniers jours, plusieurs attaques ont été portées contre les médias alternatifs anticapitalistes et à un certain nombre d’intellectuels et d’artistes engagés. C’est une réaction paranoïaque et surréaliste de certains membres de la nomenklatura qui voit des ennemis partout. C’est aussi un signe donné à l’extérieur, il témoigne de la lente agonie d’un projet politique centralisé, de la mise en œuvre d’une campagne médiatique qui révèle la situation d’un régime qui donne des signes clairs d’épuisement.

Un article de Percy F. Alvarado Godoy intitulé : “D’autres projets de la SINA à travers des groupuscules mercenaires, dernier épisode de la série “OBAMA CENTRE SA GUERRE MÉDIATIQUE CONTRE CUBA”, se réfère aux implications présumées d’un certain nombre d’intellectuels cubains notoires (les poètes et les promoteurs culturels Lina de Feria et Reyna Maria Rodriguez (voir photo ci-dessus), le traducteur, promoteur et culturologie Desiderio Navarro, et le poète, historien et essayiste Victor Fowler, entre autres) dans des “projets développés par la SINA  [bureau des intérêts américains à La Havane] et les employés de cette officine à Cuba”.

La lettre, publiée à l’origine sur le site Rebelión, a été distribué par courrier électronique à Cuba par le Bulletin Por Cuba* (année 10 numéro 56), un service spécial du portail digital Cubarte, officiellement rattaché au Ministère de la Culture et soutenu budgètairement avec l’argent des contribuables cubains.

Le texte accuse également de relations avec la SINA, le groupe de musiciens et de performers OMNI-Zona Franca, certaines “bibliothèques indépendantes” et d’autres projets. Sans apporter aucune preuve concluante, au-delà d’une liste de noms, d’”interactions”, de “soutiens” et d’ activités culturelles, Percy F. Alvarado Godoy termine son travail par la phrase lapidaire: “Je remarque que nous en savons plus, beaucoup plus. Pour l’instant, ça suffit”.

Dans d’autres publications de la série, Percy F. Alvarado Godoy a qualifié d’”anti-cubain” le portail numérique Havana Times et il a soutenu que “près de 30% de la population” de Cuba est “utilisatrice d’internet”.

À noter qu’au moins en une occasion précédente, cet auteur a été contraint de s’excuser pour avoir publié des allégations infondées contre une station de radio vénézuélienne. Nous espérons dans ce cas précis un démenti aussi rapide et tout aussi énergique rédigé par celui qui a écrit le texte et par ceux qui l’ont diffusé. Il est clair qu’à Cuba, la transparence nécessaire, par tous les moyens légitimes il faut mettre en évidence ce qui semble clairement une nouvelle “campagne” contre la pensée critique, la création culturelle autonome, le débat et le dialogue ouvert à Cuba. Il faut condamner de façon énergique l’utilisation de la diffamation ou de la calomnie à tout propos. La fin ne justifie pas les moyens. Le mensonge délibéré est toujours un moyen pervers, seule la vérité est révolutionnaire.

Utiliser l’argent du peuple pour répandre des mensonges est une faute grave, et ceux qui sont favorables à la divulgation des offenses, ici exposées, à Cuba et dans le monde, doivent reconnaître ouvertement leurs erreurs, dans le cas contraire, il est urgent qu’ils reçoivent publiquement un châtiment exemplaire, selon les règles générales et les bonnes pratiques professionnelles.

Percy F. Alvarado Godoy, d’origine guatémaltèque, a travaillé pendant une longue période comme un agent infiltré de la sécurité d’Etat cubaine, une condition qui a été rendue public au printemps de 2003. Il est l’auteur d’un livre sur l’histoire du terroriste Luis Posada Carriles, entre autres ouvrages spécialisés.

Ces derniers jours, dans différents médias officiels une campagne a été lancé contre le réseau de l’Observatoire critique, un réseau qui regroupe en son sein un ensemble de projets socio-politiques anticapitalistes gauche, et aussi contre le site web d’information Havana Times. Aucun de ces projets peut être accusés de pro-impérialisme, comme le suggère et l’affirme un certain nombre de publications favorables au régime. Il s’agit d’un travail lamentable qui cherche à dénigrer et à diviser une gauche qui ne correspond pas aux intérêts des gouvernants afin de maintenir un système épuisé, un système que la population cubaine ne supporte plus. Ce régime qui se dirige tout droit vers une restauration des plus grossières expressions d’un socialisme réel, qui a échoué mais qui s’oriente aussi vers un capitalisme d’Etat de nouveau type, qui contient les formes les plus primitives de l’exploitation de l’homme par l’homme. Ces bureaucrates ne comprennent pas l’urgence de parvenir à l’harmonie, la paix, l’équité réelle dans la distribution, la justice sociale et la participation effective de la population dans la mise en place d’un changement, de réformes nécessaires pour la suppression d’interdictions absurdes.

Attaquer de façon discriminatoire les entités représentatives de la gauche alternative c’est un signe de repli, mais c’est peut-être aussi une preuve des véritables intentions de ceux qui cherchent à liquider tout ce qui reste du processus socio-politique de la Révolution de 1959, en particulier ce qui pourrait bénéficier aux travailleurs, pour au lieu de cela, allez vers un processus qui maintiendra l’esclavage salarié par l’Etat et au profit de ses bénéficiaires.

Les médias alternatifs ne peuvent pas répliquer et les médias officiels officiels occupent tout l’espace médiatique, ils peuvent proliférer contre ceux qui pensent différemment. C’est vraiment une manifestation de violence contre la conscience et la liberté d’expression. Cela fait aussi partie d’une attitude étrange, les médias officiels cubains réclament les droits à la liberté d’expression dans le monde, tout en soulignant les luttes des mouvements alternatifs dans d’autres pays, alors qu’à Cuba ils sont favorables à la fermeture d’espaces de libre expression pour ceux qui ne sont pas en accord avec la pensée officielle.

C’est une situation qui devient chaque jour plus intenable, avec des interdictions absurdes que les fonctionnaires et les inspecteurs appliquent avec zèle. Une répression à laquelle se prêtent particulièrement ceux qu’on pourrait appeler, en reprenant les mots de Che : “les bons petits soldats de la pensée officielle”. Parmi lesquelles se trouvent certaines personnes qui sans être cubaines et n’ayant pas vécues les réalités de notre pays au cours des 50 dernières années, se permettent de faire la leçon sur la façon dont les Cubains doivent se comporter dans les décombres d’une révolution, sur la manière de faire face aux incapacités de la production, aux bureaucraties et à la corruption. Des réalités que ces gens ne vivent pas, car comme Saturne, ils sont en train de ronger de l’intérieur le processus révolutionnaire et ne font aucun cas des désirs d’un peuple qui a lutté pour parvenir à la justice sociale, à l’équité distributive et à la paix.

Les uns et les autres, tous ceux qui agissent ainsi devraient, au lieu de se prêter à de telles entreprises de diffamations, avoir la décence de ne pas justifier leurs négligences et leurs incohérences. Il est triste de constater que ces apparatchiks ne peuvent  plus demander pardon à l’heure qu’il est pour des injures qui causent un mal profond. Demain, ils devront assumer la responsabilité de leurs actes.

La seule chose qu’ils peuvent faire, c’est de regarder objectivement la réalité de Cuba aujourd’hui, en prenant conscience des préjudices qu’ils provoquent avec tant d’agressivité controversée. Mais il semble qu’ils n’ont aucune intention d’arrêter et qu’ils ne renoncent pas à mettre en œuvre leur violence verbale comme un prélude à d’autres violence qui pourraient être plus direct. Ils utilisent actuellement les tergiversations, les calomnies et les mensonges sans scrupule d’aucune sorte. Leurs accusations préférées sont l’accusation d’être au service de l’impérialisme, alors que par leur comportement ils apportent un soutien à des situations insoutenables de bureaucratisme, de manque de productivité au travail et à des limitations sensibles de la liberté d’expression, à l’accès à internet, à la libre association, à la  liberté de voyager et de revenir au pays  pour tous les Cubains, des problèmes qui affectent toute la population.

Boris Komotsky

*Le portail web Por Cuba, inscrit officiellement en tant que site appartenant au ministère de la culture, vient de publier un numéro spécial où il est question de l’article de Percy F. Alvarado Godoy. Les rédacteurs y regrettent d’avoir publié cet article en considérant que c’est une erreur impardonnable, qu’il s’agit de calomnies infondées contre des intellectuels cubains et que c’est un texte qui ne correspond  pas à la ligne éditoriale de Por Cuba.

Pour lire tous les textes liés à cette affaire, consultez le blog de l’Observatoire critique :

http://observatoriocriticodesdecuba.wordpress.com/


Enrique   |  Culture, Politique, Société   |  07 12th, 2012    |