Guantanamo : pourquoi y a-t-il une prison américaine à Cuba ?

Il y a dix ans, la base de Guantanamo accueillait les premiers “ennemis étrangers” capturés par les États-Unis dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. Ce centre de détention se situe à Cuba, un des derniers bastions mondiaux de l’antiaméricanisme communiste. Un paradoxe qui mérite quelques explications historiques…

La prison de Guantanamo a dix ans. En quelques années, elle est devenue le symbole des entorses faites au droit au nom de la “guerre contre le terrorisme” menée par les États-Unis.

Comment se fait-il que ce centre de détention soit installé à Cuba, le pays communiste qui symbolise plus que tout autre le rejet du modèle américain ?

1. Un traité remontant à 1903

Installé près d’une baie du sud-est de Cuba, le centre de détention de Guantanamo se trouve dans une base navale louée par les États-Unis à Cuba. Cette location remonte à un traité américano-cubain de… 1903.

Pour comprendre le contexte de signature de ce traité, il faut remonter quelques années en arrière. En 1898, les États-Unis entrent en guerre contre l’Espagne, au nom de la défense des intérêts des indépendantistes cubains. Cuba est alors une colonie espagnole. Les milieux d’affaires américains, qui ont beaucoup investi sur l’île, sont favorables à la guerre.

À la suite de la victoire des États-Unis, l’Espagne perd ses dernières colonies américaines, dont Cuba, mais aussi les Philippines. L’île obtient une indépendance factice sous la surveillance de son grand voisin.

En échange de l’évacuation des troupes qui stationnent sur l’île, les États-Unis obtiennent le droit de louer des terres où ils installent une base navale.

D’après le traité de 1903, le gouvernement américain s’engage “à payer à la République de Cuba la somme annuelle de deux mille dollars en monnaie d’or des États-Unis” tant qu’ils occuperont la base. Aucune limite dans le temps n’est précisée.

Cette implantation d’un peu plus de 100 km2 permet aux États-Unis de s’affirmer comme gendarmes dans la région. À l’origine, elle sert de base d’approvisionnement en charbon pour les navires américains qui patrouillent dans les Caraïbes. Une utilité qui disparaît quand les bateaux de guerre remplacent le charbon par du pétrole.

2. Une zone de flou juridique bien utile

Pendant la Guerre Froide, la base de Guantanamo devient le symbole de la détermination de l’administration américaine à ne pas céder un pouce de terrain au pouvoir communiste cubain.

Avec les attentats du 11 septembre 2001, elle trouve une nouvelle utilité. Quelques jours après les attaques terroristes, le président Georges W. Bush signe une note qui autorise la CIA à mettre en place des centres de détention hors des États-Unis.

Or, la base de Guantanamo n’est pas soumise à la législation américaine. “Une note du ministère de la Justice au Pentagone affirme que la base de Guantánamo étant située en dehors du territoire souverain des États-Unis, les cours fédérales n’ont pas compétence pour examiner les requêtes en habeas corpus déposées par les “étrangers ennemis” qui y sont incarcérés“, selon Amnesty International.

Le 11 janvier 2002, les premiers prisonniers en provenance d’Afghanistan débarquent à Guantanamo, vêtus d’uniformes oranges, des sacs noirs sur la tête. Les images de ces hommes détenus dans des cages grillagées font le tour du monde.  Au 1er décembre 2011, près de 10 ans plus tard, 171 hommes sont toujours détenus sur la base caribéenne.

Béatrice Roman-Amat

Article publié sur le site “Quoi. L’actualité expliquée”


Enrique   |  International, Politique   |  10 6th, 2012    |