José Antonio Aponte ressuscité

José Aponte était un esclave affranchi d’origine yoruba. Charpentier et autodidacte, il se passionnait pour la révolution haïtienne et ses idéaux. Il s’inspira de Toussaint Louverture pour lancer une insurrection abolitionniste. Il organisa ainsi la plus grande révolte d’esclaves de l’île. Elle s’étendit d’Holguin à Bayamo et inspirera les combattants contre le système colonial.

Aponte réussit à fédérer esclaves et affranchis dans un mouvement fédérateur où se retrouvent Yoruba, Mandingues, Minas, Kongos, et autres esclaves noirs et mulâtres en provenance de Saint-Domingue et de Jamaïque. Voici un article consacré à l’hommage qui vient de lui être rendu.


Par Marcelo “Liberato” Salinas

Quand un an est passé, après qu’une équipe de fonctionnaires eussent fini de ramasser les dizaines de chaises, les mètres de câble et le matériel audio qu’ offrit l’Etat cubain à la commission pour la commémoration officielle du bicentenaire de l’assassinat de José Antonio Aponte, plusieurs compagnons du groupe  Anamuto et du réseau Observatoire critique ont commémoré le 201e anniversaire de l’assassinat d’Aponte, le leader de la première conspiration, dans l’histoire de Cuba, contre la domination coloniale et pour la justice sociale.

Pour ce faire, nous nous sommes retrouvés au coin des rues Monte et Aponte, une rue qui porte le nom du célèbre militant social, à l’initiative du premier historien de la ville de La Havane Emilio Roig et ça nous a mené au quartier prolétaire historique de Jésus María.

Dans ce coin de rue nous nous sommes souvenu des efforts d’un groupe de compagnons, jusqu’à aujourd’hui anonymes, regroupés dans une association antifasciste cubaine et vétérans de la guerre civile espagnole, qui, dans un geste généreux et escamoté par les organisateurs officiels du précédent bicentenaire, fabriquèrent une plaque en bronze massif placés par leurs soins, il y a 60 ans, dans le même angle de rue à la mémoire de Aponte. Cette plaque a disparu depuis.

Juste en face de l’endroit où se trouvait cette plaque, sur l’une des colonnes de l’ancien Hôtel Isla de Cuba, au même coin de rue de Monte et Aponte, nous les compagnons de l’Observatoire critique et Anamuto nous avons collé sur le mur une photo de la plaque de bronze, chanter l’hymne de Bayamo, nous avons fait une simple graffiti évoquant la mémoire d’Aponte et déposé un bouquet de fleurs.

Tato Quiñones a rappelé comment un groupe de compagnons abakuá de plusieurs “puissances” ont réalisé un acte de commémoration pour Aponte et pour l’Association antifasciste cubaine dans ce même lieu en 1995, le poète Eduardo Santiesteban a déclamé avec une énergie inspiratrice qui nous a tous électrifié, un texte sur Aponte, Gisela Arandia a parlé de la valeur des faits comme celui-là…

En ce lieu, les passants furent intéressés par le fait de savoir ce qui se passait là et en particulier les voisins du quartier qui ont vu en notre action quelque chose qui avait à voir avec leur histoire. Dora Sardaña, Walfrido Costa et Jorge Luis Martínez Izquierdo, furent les voisins les plus fraternels parmi ceux qui étaient réunis là. Et spécialement Jorge Luis, qui nous a rappelé ses souvenirs d’enfance à propos de la plaque, une des premières choses qu’il a pu lire dans la rue.

Quand j’ai demandé où pouvait être cette plaque, Jorge Luis nous a dit qu’il avait été touché par ce qu’on a fait , il nous dit qu’en quelques minutes il s’est senti des nôtres, mais que les conditions dans lesquelles il vivait à quelques maisons de là, lui, ses fils et sa femme étaient désespérantes. Il nous raconta que sa maison était en danger permanent d’effondrement et que personne ne savait plus où se tourner pour les faire quitter ce logement au numéro 14 de la rue Aponte.

Regina Cano et moi-même sommes allé à sa maison et nous avons été choqués par les effroyables conditions d’insalubrité, par le surpeuplement et par l’insécurité régnant sur les lieux où vivaient Jorge Luis et sa famille : un espace de la taille d’une cellule, avec un étage qui s’effondre au-dessus de la fosse de l’hôtel et un mur attenant fissuré et très dangereux sur le point de tomber à tout moment. Le tout situé dans un environnement humide, particulièrement dangereux pour les poumons des enfants.

En quittant le lieu suffocant où survit Jorge Luis, j’ai repensé à  Aponte et les raisons de son combat et j’ai aussi pensé à Proudhon quand il dit aux abolitionnistes américains que la manière la plus durable et honnête pour abolir l’esclavage n’était pas de convertir les  esclaves en citoyens, mais de supprimer le travail salarié et le désastre humain que produit une société organisée pour que les uns décident et les autres exécutent.

Que pouvons-nous faire pour le frère Jorge Luis Martínez Izquierdo ? Comment pouvons-nous connecter la lutte pour récupérer les contenus populaires de la révolution avec un processus d’organisation du peuple travailleur, un processus qui permette de faire pression contre les pouvoirs établis, avec des demandes spécifiques et urgentes, et à la fois de réouvrir une perspective libératrice, anti-capitaliste, anti-bureaucratique, anti-étatique, communiste, communisatrice,  qui garantisse de nouveaux horizons à la moribonde révolution cubaine? Avec l’énergie et la capacité organisationnelle de l’héritage d’Apponté à nos côtés, nous pouvons donner des réponses à ces questions.


Enrique   |  Actualité, Histoire   |  04 13th, 2013    |