Donald Trump promet des jours noirs aux Cubains
Comme il fallait s’y attendre, le président récemment élu Donald Trump a annulé un décret adopté par le président sortant Joe Biden et il a inscrit de nouveau Cuba dans la liste des pays qui soi-disant appuient le terrorisme.
Il n’a fallu aucune justification, aucune enquête, aucune preuve, seulement l’arbitraire et le désir de vengeance pour remettre le garrot sur la gorge du peuple cubain et resserrer un peu plus l’étreinte pour l’asphyxier davantage. Du pur sadisme, qui prouve, si besoin est, un total mépris pour la souveraineté des nations. Cela signifie plus de pénuries, plus d’angoisse, plus d’insécurité, plus d’immigrants, moins de nourriture, moins de médicaments, moins d’infrastructures sociales pour Cuba.
Rappelons que Cuba a été inscrite sur cette liste de 1982 à 2015, moment où le président Obama a décidé de retirer l’île de cette liste. Puis, en 2021, le président Trump, en fin de mandat, a inscrit de nouveau Cuba sur la liste des pays qui encouragent supposément le terrorisme, à la suggestion du président colombien de l’époque, Álvaro Uribe, alors que Cuba avait été le théâtre de négociations de paix officielles entre la guérilla des FARC et le gouvernement colombien, négociations qui avaient finalement abouti à des accords de paix. Mais, à quelques jours de quitter la Maison-Blanche, Joe Biden a retiré Cuba de cette liste.
L’embellie aura donc été de courte durée. La semaine dernière, la joie et l’espoir étaient palpables dans les rues de La Havane, où les fiers Cubains affichaient un optimisme modéré. L’espoir de voir toutes les victimes de la répression castriste rentrées chez elles est abandonné. C’est le retour à la case départ, avec le décret de Trump, et l’inquiétude fait de nouveau partie du quotidien des Cubains et Cubaines.
Cette mesure est gratuite et injustifié, elle montre l’incapacité du gouvernement américain de venir à bout de ce petit peuple qui lui résiste depuis plus de soixante ans. Un acte de pure lâcheté de la part d’un multimillionnaire prépotent au passé criminel, qui a préféré absoudre et gracier quelque 2500 suprématistes blancs et émeutiers extrêmement violents du 6 janvier 2021.
Catastrophes naturelles, coupures d’électricité à répétition, pénuries alimentaires, de carburants et de médicaments. Les difficultés s’accumulent pour la plus grande île des Caraïbes, alors que Donald Trump promet des jours noirs aux Cubains.
La pire crise économique depuis 30 ans
L’île est actuellement confrontée à sa pire crise économique depuis 30 ans. En 4 ans, le produit intérieur brut (PIB) par habitant est passé de 9 000 dollars à 2430 à cause de l’effondrement de ses trois principaux secteurs d’activité. L’économie a commencé à se dégrader en 2020 avec la pandémie qui a brutalement ralenti le tourisme, troisième source de devises de l’île aux 11 millions d’habitants. Si le secteur a enregistré une reprise en 2022 et 2023, avec respectivement 1,6 et 2,4 millions de visiteurs, les chiffres restent bien inférieurs aux niveaux pré-pandémie (4,3 millions de touristes en 2019).
Le tout avec un durcissement de l’embargo américain décidé par Donald Trump de 2017 à 2020), que son successeur démocrate Joe Biden n’a guère assoupli. La semaine dernière, le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez, estimait que les sanctions de Washington coûtaient plus de 5 milliards de dollars par an. Conséquence, le gouvernement castriste a de plus en pus de mal à fournir ces denrées de première nécessité, réparties selon les besoins de chaque famille par le système de rationnement de la « libreta », introduit en 1963.
Pénuries, queues devant les magasins, flambée du marché noir de devises et inflation des prix : l’économie cubaine traverse une crise profonde depuis trois ans. Si, en partie, l’embargo américain est structurellement responsable de cette situation aggravée par le choc de la pandémie de Covid-19, une réforme monétaire pour unifier le peso n’a fait qu’empirer les choses. La population fait face, mais les départs à l’étranger se multiplient. La multiplication des pénuries et les coupures d’électricité exaspèrent une part de plus en plus importante de Cubains, qui constatent avec frustration l’effondrement d’un modèle socialiste à bout de souffle.
Des manifestation pour dénoncer les pénuries de nourriture et les coupures d’électricité
Le 17 mars dernier, une foule en colère défilait dans les rues de Santiago de Cuba, la deuxième ville du pays pour dénoncer les pénuries de nourriture et les coupures d’électricité à répétition. De l’avis de nombre d’observateurs, la manifestation était la plus importante depuis celles de l’été 2021 où les Cubains criaient déjà qu’ils «avaient faim». Avec une inflation à 30 % en 2023 selon les chiffres officiels, la vie quotidienne des Cubains est de plus en plus compliquée. Le pays a connu une période post-covid très difficile avec l’effondrement du tourisme, un secteur majeur dans la rentrée des devises.
Cela fait maintenant plusieurs années que le pays, théâtre de la révolution castriste, s’enfonce dans la crise économique, mais le ras-le bol de ces derniers mois ne retombe pas. «On n’a pas de nourriture, pas de lait pour les enfants. On passe toute la journée dans le noir», confiait dépitée une habitante de Santiago au journal espagnol El País. Dans le pays, les prix des denrées alimentaires ont explosé et les médicaments se font parfois rares.
Après les manifestations de la mi-mars, le président Miguel Diaz-Canel a mis en garde «les ennemis de la Révolution» à commencer par les États-Unis, accusés de s’ingérer dans les affaires de l’État. Washington avait demandé, via son représentant diplomatique que le gouvernement «respecte les droits des manifestants et réponde aux besoins légitimes du peuple cubain».
Une rhétorique classique mais derrière les slogans, la réalité est celle d’un peuple qui s’appauvrit toujours plus, et d’un État à bout de souffle. Les 65 ans de la révolution enclenchée par Fidel Castro sont un anniversaire plutôt amer pour de nombreux Cubains.
El bloqueo interno
À Cuba, on l’appelle le « bloqueo interno » : « la bureaucratie, la centralisation excessive, le manque d’incitations pour les producteurs. Economiquement, le blocus (américain) est l’une des causes de la situation à Cuba, mais pas la seule.
Faute d’une production locale, notamment agricole, suffisante, l’île importe 80 % de ce qu’elle consomme. Quant à l’ouverture au secteur privé, elle est arrivée tardivement et affronte encore des obstacles administratifs. Les politiques internes pèsent plus sur la situation de Cuba que le blocus américain, car le renforcement de l’embargo date des années 1990 mais les mauvaises politiques sont historiques, elles remontent aux années 1960.
Depuis 2000, Cuba peut acheter aux États-Unis des aliments, désormais exemptés d’embargo. Entre 2015 et 2020, l’île a importé pour 1,5 milliard de dollars de nourriture – principalement du poulet – de son voisin. Mais ces achats doivent être payés en avance et comptants, des conditions difficiles à remplir.
De manière générale, l’embargo est contre-productif. C’est une politique très cynique de la part des Américains si l’objectif est de déclencher une explosion sociale et faire en sorte que les gens sortent dans la rue.
La situation des droits humains
La situation des droits humains à Cuba continue de se détériorer, avec une répression accrue et la criminalisation de la dissidence. Depuis l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions législatives en 2022, notamment du nouveau Code pénal, des informations ont été réunies montrant que ces dispositions sont utilisées pour poursuivre des personnes qui exigent ou tentent d’exercer librement leurs droits.
Les autorités recourent systématiquement à des stratégies répressives, y compris à la répression pénale, à l’arrestation arbitraire, à l’assignation à résidence de facto et au harcèlement, aux convocations et aux sanctions administratives contre les militant·e·s, les journalistes, les défenseur·e·s des droits humains, ainsi qu’aux coupures d’Internet dans les endroits où se déroulent des manifestations spontanées.
Enrique Roig