La fausse promesse de la Loi de Réforme Urbaine : 65 ans après, le rêve du logement digne reste un mirage à Cuba
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Soixante-cinq ans après la promulgation de la Loi de Réforme Urbaine à Cuba — approuvée par Fidel Castro en octobre 1960 —, les médias officiels célèbrent encore cette mesure comme une conquête sociale majeure ayant « garanti un logement digne pour chaque Cubain ».
Mais la réalité contredit ce récit. Loin d’avoir résolu le problème du logement, la situation n’a cessé de se dégrader au fil des décennies.
Le déficit de logements s’est accentué, les infrastructures se sont détériorées et des millions de Cubains continuent de vivre dans des conditions précaires. Rien qu’à La Havane, près de 1 000 habitations s’effondrent chaque année, parfois avec des conséquences tragiques, y compris la mort d’enfants.
Des milliers de familles survivent encore dans des abris collectifs administrés par l’État, connus sous le nom de « communautés de transit ». Ce terme laisse entendre une situation temporaire, mais certaines personnes y vivent depuis plus de vingt ans, sans perspective de relogement.
En juillet 2025, le ministère de la Construction (Micons) a reconnu un déficit de plus de 805 000 logements sur l’île. Depuis le début de l’année, seules 2 728 habitations ont été construites, soit une croissance annuelle d’à peine 0,1 %.
Ces chiffres officiels ne peuvent être vérifiés par des sources indépendantes, mais ils suffisent à illustrer l’ampleur de la crise. Le ministre René Mesa Villafranca a également signalé que 94 000 logements endommagés par les cyclones ou les séismes de l’année précédente restaient en attente de réparation. Il a aussi mis en garde contre la multiplication des toits en plaques métalliques, particulièrement vulnérables aux tempêtes tropicales.
Face à la pénurie et à la pauvreté, des bidonvilles improvisés, appelés « llega y pon », se développent dans les périphéries urbaines, notamment autour de La Havane.
L’un des projets censés atténuer cette crise, le Programme national du logement, adopté en 2018, prévoyait notamment d’offrir un toit aux mères de familles nombreuses.
Mais ses objectifs restent largement non atteints. Pendant que la population attend, les investissements publics se concentrent dans le tourisme, et plus particulièrement dans la construction d’hôtels de luxe.
Des promesses révolutionnaires à la crise actuelle du logement
Dans son célèbre plaidoyer « L’Histoire m’absoudra », Fidel Castro dénonçait dès 1953 la crise du logement comme un symbole flagrant de l’injustice sociale sous le régime de Batista. Il décrivait alors des milliers de familles vivant dans des cabanes de terre battue ou dans des logements insalubres, contraintes de payer des loyers exorbitants.
La Révolution promettait d’en finir avec ces inégalités.
En 1960, la Loi de Réforme Urbaine expropria de nombreux propriétaires et permit aux locataires d’acquérir leur logement. Le gouvernement présenta alors cette mesure comme la solution définitive au problème du logement : chaque Cubain devait désormais avoir droit à un toit digne et à l’abri des expulsions.
Mais plus de six décennies plus tard, les promesses se sont envolées.
En 2025, le ministère de la Construction estime que 1,4 million de logements du parc national sont en mauvais ou médiocre état — soit plus de 6 500 unités supplémentaires par rapport à 2024.
À La Havane seulement, plus de 600 000 habitants vivent sans logement adéquat, selon l’Office national de la statistique et de l’information (ONEI).
Ces chiffres traduisent l’échec des politiques de logement mises en place depuis la Révolution.
Alors que Castro promettait d’éradiquer les logements au sol de terre, il en subsistait encore près de 90 000 en 2022, selon la directrice nationale du logement, Vivian Rodríguez Salazar. La situation s’est aggravée depuis, faute de matériaux et d’investissements dans les infrastructures.
Le pays compte aujourd’hui plus de 9 600 logements collectifs (cuarterías), symbole du délabrement urbain.
La crise frappe aussi les familles victimes de catastrophes. Après l’explosion de l’hôtel Saratoga en mai 2022, beaucoup de sinistrés attendent toujours une solution durable. Malgré les promesses d’aide, nombre d’entre eux vivent encore dans des conditions indignes, parfois relogés dans des bâtiments insalubres et sans appui réel pour reconstruire leur foyer.
Un rêve révolutionnaire brisé
La promesse d’une transformation profonde du système du logement s’est heurtée au manque de ressources, à la centralisation du pouvoir et aux difficultés économiques chroniques.
Résultat : une majorité de Cubains vivent aujourd’hui dans la précarité, avec un parc immobilier délabré et un déficit qui ne cesse de croître.
Marleidy Muñoz
Source : elTOQUE

