Une autre Cuba est possible : sans militaires, sans bureaucrates et sans technocrates

Devant les 548 membres de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire, réunis en session samedi 5 juillet, Raul Castro a déclaré que la « nature graduelle » de ces réformes était « indispensable ».

Depuis qu’il a succédé à son frère Fidel, malade, en 2008, Raul Castro a mis en place d’importantes réformes économiques, comme la transformation d’entreprises publiques en coopératives privées ou la possibilité pour les Cubains de travailler pour des petites entreprises privées.

Le processus actuel de réformes dans le domaine économique rompt totalement avec les principes pour lesquels des générations de Cubains se sont battus, c’est-à-dire la recherche d’une équité distributive, la justice sociale et le bien être pour l’ensemble du peuple cubain.

Il y a des aspects dans ce processus de réformes qui auront des incidences graves pour une grande partie du peuple cubain. Il est en totale contradiction avec l’objectif de construire un socialisme prospère et soutenable. Les réformes que supportent les Cubains, qui visent à ouvrir l’économie au secteur privé pour tenter de redresser la croissance de Cuba, sont des réformes imposés par l’élite galonnée et bureaucratique. Elles doivent permettre l’implantation à Cuba d’un « capitalisme socialiste » comme l’a défini le président du pouvoir populaire Ricardo Alarcón.

Les capitalistes de différents pays et la Chambre de commerce des États-Unis se félicitent de cette évolution. Les responsables de l’actuelle classe politique du pays sont les meilleurs défenseurs du capitalisme et ils ont tous les moyens politiques pour parvenir à mettre en place ce type de projet. Les manoeuvres misent en pratique par les dirigeants cubains figurent dans les manuels de double-langage et d’hypocrisie politique qui depuis longtemps sont des références pour la caste au pouvoir.

À partir de ce phénomène, on peut reconnaître la nature corruptrice d’un pouvoir totalitaire et les dangers qu’entraîne le comportement d’une bureaucratie opaque et parasitaire. Des branches entières de l’économie et de la société ont été noyées par les mécanismes bureaucratiques et l’hyper-centralisation qui empêchent un développement naturel. Cela aurait pu être possible en donnant un autre cours à la révolution, avec une autre politique, avec une pratique de la démocratie directe, en donnant l’initiative aux organismes de base et dans un esprit libertaire. Dans la bouche des dirigeants le fait de rejeter le capitalisme apparaît l’expression d’une autre époque, comme si l’exigence d’égalité et de liberté datait du jurassique.

Pourtant le « marché libre » à Cuba exclut et paupérise une grande quantité de nos concitoyens. Selon les dernières études publiées 20 % des Cubains vivent sous le seuil de pauvreté. Et tout cela pour le seul profit d’une minorité égoïste, comme cela se passe dans tous les pays capitalistes.

La maigre croissance économique de 0,6 % du premier trimestre obligent à réviser à la baisse la prévision annuelle de Cuba. Le ministre de l’économie Adel Yzquierdo a imputé ce revers à des contre-performances de secteurs comme le tourisme et l’extraction du nickel. L’industrie du sucre a enregistré une croissance de 5,3 %, bien en deçà d’un objectif de 17,5 %. D’autres secteurs ont en revanche tiré leur épingle du jeu : les transports et les communications ont augmenté de 6,2 % et l’agriculture, l’élevage et la pêche de 5,6 %.

Ce n’est pas étonnant, après des décades de malversations, de mauvaise gestion, de bureaucratisme dans des structures kafkaiennes et d’étatisation, qui ont fait plus de mal que tous les plans de la CIA.

Raul Castro a imputé encore récemment les difficultés économiques du pays à l’embargo américain en vigueur depuis cinquante-deux ans, ajoutant que les Cubains méritaient une médaille pour leur résistance à l’hostilité des Etats-Unis. C’est de la démagogie qui ne résiste pas à l’épreuve des faits.

Depuis qu’il a succédé à son frère Fidel, malade, en 2008, Raul Castro a mis en place d’importantes réformes économiques, comme la transformation d’entreprises publiques en coopératives privées ou la possibilité pour les Cubains de travailler pour des petites entreprises privées.

Ces réformes ont créé une nouvelle classe aisée à Cuba mais une large majorité des habitants de l’île vit toujours avec moins de 20 dollars par mois et la productivité globale de Cuba reste stagnante. Les bas salaires restent un motif latent de mécontentement, même si la faiblesse du pouvoir d’achat est en partie compensée par la gratuité de l’éducation et de la santé et par des cartes de rationnement pour les denrées de base.

Le gouvernement a autorisé la création de 498 coopératives. Cuba a également autorisé jusqu’à présent 467 000 Cubains à travailler dans le secteur privé, au sein de 13 000 entreprises privées, principalement des restaurants.

Aujourd’hui, on nous affirme que le marché est l’unique solution à nos problèmes, la potion magique pour solutionner les problèmes créés par l’économie centralisée. Mais, si le gouvernement autorise le développement du marché, de l’achat et la vente des produits du travail, il accepte aussi l’achat et la vente de la force de travail, ce qui fait qu’aujourd’hui les propriétaires d’entreprises peuvent exploiter leurs salariés, au mépris des droits laboraux élémentaires que sont le droit de grève et le droit syndical, des droits bafoués depuis 1960 à Cuba.

Une autre Cuba est possible sans militaires, sans bureaucrates et sans technocrates.

Enrique


Enrique   |  Actualité, Politique, Économie   |  07 11th, 2014    |