Cuba : que vont changer les élections ?

Autour du 24 février, la nouvelle Assemblée nationale du Pouvoir populaire de Cuba élira le Conseil d’État, dont le nom du président reste inconnu à ce jour.

L’approche de l’année 2018, susceptible de changer l’ordre des choses à Cuba, suscite chez les Cubains un intérêt plus modéré qu’on pourrait le croire. Pourtant, à la fin du mois de février ou au début du mois de mars, le Conseil d’État et des ministres, soit la plus haute instance gouvernementale, ne sera plus présidé par un Castro.

Alors que les élections générales touchent à leur fin, les citoyens n’ont aucune certitude quant au nom du successeur de Fidel et de Raul, qui ont tour à tour été aux commandes de la révolution cubaine depuis cinquante-neuf ans.

On se risque parfois à des prédictions, on observe les apparitions publiques, les discours, les visites en province des vice-présidents et autres successeurs possibles… La situation est complexe et ses tenants et aboutissants dépassent les élections en cours. S’il en est ainsi au plus haut niveau du gouvernement, on est en droit de supposer qu’il en est de même à la base.

À Cuba, les élus locaux ne possèdent dans la pratique qu’un pouvoir très limité pour apporter des solutions aux problèmes des citoyens. Depuis des décennies, ils font simplement office d’intermédiaires ou de médiateurs et transmettent les plaintes et réclamations aux administrations chargées d’y répondre.

Dans son article La participación ciudadana en el Estado cubano (La participation citoyenne dans l’État cubain, publié en 2012 dans la revue Temas), Julio César Guanche avance une explication : « Le système n’apporte pas de réponse à plusieurs problèmes : aux niveaux local, provincial et national, les candidats se présentent aux élections sans programme. »

Même la première étape des élections générales, qui prévoit la participation massive et active des citoyens appelés à choisir leurs représentants au niveau local (quartier), ne semble pas soulever l’enthousiasme. Aussi, la participation à ces élections ne s’est-elle élevée qu’à 85,94 % lors du scrutin du 26 novembre, le plus mauvais chiffre dans l’histoire de Cuba depuis 1976.

Ce désenchantement ne signifie pas que les Cubains se désintéressent de l’avenir immédiat de leur pays : c’est plutôt la capacité du système électoral à proposer des perspectives qui est en cause. C’est en somme le symptôme de la défiance d’une frange de la population à l’égard des structures politiques existantes, jugées impuissantes face aux problèmes concrets qui touchent les citoyens au quotidien.

« Notre système électoral n’éveille pas l’intérêt des plus jeunes car les candidats sont des inconnus », affirmait il y a un peu plus d’un mois le professeur de droit Julio Antonio Fernández Estrada. « Ce sont des femmes et des hommes, certes des plus honnêtes, mais dont on ne sait rien de plus que ce qu’en disent les biographies sobres et formatées que l’on placarde sur les épiceries d’État avant les élections. »

Une première étape précède l’affichage des biographies dans les lieux publics : la désignation des candidats. De manière directe, les citoyens se rassemblent dans chaque quartier pour proposer et choisir à main levée entre deux et huit candidats, qui brigueront un siège à l’assemblée municipale du pouvoir populaire. Le tout sans campagne électorale.

À Cuba, pas un tract, pas un spot à la télévision, pas une émission radio pour inviter les citoyens à voter pour tel ou tel candidat. Le peuple doit faire confiance aux quelques lignes qui résument leur vie. « Le fait de voter pour un candidat ou une candidate qui ne parle pas, qui nous lance des signaux depuis sa jolie biographie, est quelque chose qui paralyse le système électoral. C’est ce qui fait qu’il n’intéresse pas les gens » estime Fernández Estrada.

Ces réunions de quartier aboutissent en moyenne à la désignation de deux candidats avec une majorité de sortants. Quant aux jeunes, ils ne représentent que 20 % des candidats, un résultat qui va dans le sens de Fernández Estrada lorsqu’il assure que la jeunesse cubaine veut qu’on lui parle de « nouvelles politiques publiques, de nouveaux services, de nouvelles perspectives en matière d’emploi et d’études », pas d’un système électoral qui « n’a que très peu à offrir à des générations de citoyennes et de citoyens cubains qui placent le développement en tête de liste de leurs attentes. »

L’histoire se répète malgré tout et les assemblées municipales siègeront dès la fin du mois de décembre. Les assemblées provinciales seront constituées au début de l’année 2018, et autour du 24 février, la nouvelle Assemblée nationale du Pouvoir populaire élira le Conseil d’État, dont le nom du président reste inconnu à ce jour.

En attendant, une certitude s’affirme de jour en jour : la nécessité de refonder le système démocratique de sorte que chaque citoyen puisse exerce la part de pouvoir qui lui revient de droit. Comment y parvenir ? Que faut-il changer et que faut-il garder ? Qui doit en décider ?

Dionne Novoa

Traduction : F. Lamarque


Enrique   |  Actualité, Politique   |  12 24th, 2017    |