Pourquoi le socialisme d’État n’est-il qu’un capitalisme d’État ?

« Pour les anarchistes, l’idée que le socialisme puisse être atteint de par la propriété d’État est tout simplement ridicule. Pour des raisons qui deviennent très clair, les anarchistes affirment que de tels systèmes “socialistes” serait tout simplement une forme de « capitalisme d’État ». Un tel régime ne ferait pas fondamentalement changer la position de la classe ouvrière, dont les membres seraient tout simplement des esclaves salariés à la bureaucratie étatique plutôt qu’à la classe capitaliste.

Toutefois, avant de commencer le débat sur la raison pour laquelle les anarchistes pensent cela, nous avons besoin de clarifier notre terminologie. La raison en est que l’expression “capitalisme d’État” a trois significations distinctes, liés, dans la pensée socialiste (en particulier marxiste). Tout d’abord, le “capitalisme d’État” était / est utilisé pour décrire le système actuel des grandes entreprises soumises à des contrôle de l’Etat (en particulier si, comme dans la guerre, l’Etat capitaliste obtient des pouvoirs étendus sur l’industrie). Deuxièmement, elle a été utilisée par Lénine pour décrire ses objectifs immédiats après la Révolution d’Octobre, à savoir un régime dans lequel les capitalistes resteraient, mais seraient soumis à un système de contrôle de l’Etat hérité par le nouvel état “prolétaire” de l’ancien état capitaliste. La troisième utilisation du terme est de signifier un régime dans lequel l’état remplace totalement la classe capitaliste par la nationalisation des moyens de production. Dans un tel régime, l’État serait propriétaire, gérant et accumulant du capital à la place des capitalistes.

Les anarchistes sont opposés à tous les trois systèmes décrits par le terme de “capitalisme d’État”. Ici, nous nous concentrons sur la troisième définition, en faisant valoir que le socialisme d’État serait mieux décrit comme du “capitalisme d’État” comme une propriété d’Etat des moyens d’existence qui ne sont pas au cœur du capitalisme, à savoir le travail salarié. Au contraire, il remplace tout simplement les patrons privés par l’État et change la forme de propriété (de privé à l’État) plutôt que de se débarrasser de celle-ci.

L’idée que le socialisme est simplement égal à la propriété d’Etat (nationalisation) est facile à trouver dans les oeuvres du marxisme. Le Manifeste communiste, par exemple, stipule que le ” ”prolétariat utilisera sa suprématie politique pour arracher, par degrés, tous les capitaux de la bourgeoisie, et centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat” “. Cela signifie que la “”centralisation du crédit entre les mains de l’Etat, par le biais d’une banque nationale avec le capital d’État et un monopole exclusif””, plus la “”centralisation des moyens de communication et de transport dans les mains de l’État””, l’ “”extension des usines et des instruments de production appartenant à l’État”” et l’ “”établissement d’armées industrielles, en particulier dans l’agriculture”” [Sélection d'extraits de Marx-Engels, pp. 52-3].

Engels reprend cette formule trente-deux ans plus tard, dans “socialisme: utopique et scientifique” en affirmant que le capitalisme lui-même “”force de plus en plus la transformation de vaste moyens de production, déjà socialisés, dans l’État. Le prolétariat s’empare du pouvoir politique et transforme la moyens de production en biens de l’État””. Le socialisme n’est pas assimilée à la propriété d’Etat des forces productives par un État capitaliste, “”mais caché en son sein elles sont les conditions techniques qui forment les éléments de cette solution”” au problème social. Il se borne à “montrer lui-même la voie à l’accomplissement de cette révolution. Le prolétariat s’empare du pouvoir politique et transforme les moyens de production en propriété de l’État””. Ainsi, la propriété d’État après que le prolétariat ait pris le pouvoir est la base du socialisme, lorsque par ce “premier acte” de la révolution l’état “‘’se constitue vraiment lui-même comme le représentant de l’ensemble de la société”” [Marx-Engels Reader, p. 713, p. Et p. 712 713].

Quelle est l’importance de ces programmes sur les premières étapes du socialisme est un complet non-débat de ce qui se passe sur le lieu de production, le non-débat sur les relations sociales sur le lieu de travail. Au contraire, nous sommes soumis à l’examen de “la contradiction entre la production socialisé et l’appropriation capitaliste” et affirme que depuis qu’il y a une “organisation socialisé de la production dans l’usine,” cela est devenu “incompatible avec l’anarchie de la production dans la société”. La conclusion évidente à tirer est que “le socialisme” héritera, sans changement, le lieu de travail “socialisé” du capitalisme et que le changement fondamental est celui de la propriété : “”Le prolétariat se saisit du pouvoir publique, et par le biais de cela transforme les moyens de production socialisé… en biens publics. Par cet acte, le prolétariat libère les moyens de production du caractère de capital qu’ils avaient jusqu’ici la charge”” [Op. Cit., P. Et p. 709 717].

Que le mouvement marxiste est venu a voir la propriété d’État plutôt que la gestion de la production par les travailleurs comme la question clé n’est guère surprenant. Ainsi, nous trouvons le leader social-démocrate faisant valoir que le socialisme signifie fondamentalement l’État, en vertu du contrôle social-démocrate bien sur, acquérant les moyens de production et les nationalisant. Hilferding présentait ce qui était l’orthodoxie marxiste du moment où il a fait valoir que dans “une société communiste” la production “est consciemment déterminé par l’organe social central”, qui déciderait “ce qui doit être produit et combien, où et par qui”. Bien que cette information est déterminée par les forces du marché sous le capitalisme, dans le socialisme, il est attribué aux membres de la société socialiste par leurs autorités… Nous devons tirer la progression invariable de l’économie socialiste a partir des lois, des ordonnances et des règlements des autorités socialistes”[cité par Nikolaï Boukharine, Economie Theory of the Leisure Class, p. 157]. Alors que nous discutons dans l’annexe sur «Qu’est-il arrivé au cours de la Révolution Russe?”, Les bolcheviks ont hérité de ce concept de “socialisme” et ils l’ont implantés.

Cette vision de la société dans laquelle la vie de la population est contrôlé par des “autorités” dans un “organe central social” qui raconte aux travailleurs ce qu’ils ont à faire, en droite ligne avec le Manifeste communiste, semble moins attrayant. Il montre aussi pourquoi le socialisme d’État n’est pas du socialisme du tout. Ainsi, George Barrett :

“”Si au lieu de la classe capitaliste actuelle, il y avait un ensemble de fonctionnaires nommés par le gouvernement et mis en mesure de contrôler nos usines, ca ne permettrait pas de changement révolutionnaire. Les fonctionnaires devraient être payés, et nous pouvons imaginer que, dans leur position privilégiée, ils s’attendraient à une bonne rémunération. Les hommes politiques auraient à être payé, et nous connaissons déjà leurs goûts. Vous auriez, en fait, une classe non productive dictant aux producteurs les conditions dans lesquelles elles ont été autorisés à utiliser les moyens de production. Étant donné que c’est exactement ce qui ne va pas avec le système actuel de la société, nous pouvons voir que le contrôle par l’Etat ne serait pas un remède, alors qu’il apporterait avec lui une foule de nouveaux problèmes… dans le cadre d’un système de gouvernement de la société, qu’il s’agisse du capitalisme d’aujourd’hui ou en plus d’un contrôle gouvernemental perfectionné de l’Etat socialiste, la relation essentielle entre les gouvernants et les gouvernés, le travailleur et le contrôleur, sera la même, et cette relation tant qu’elle dure peut être maintenue que par la sanglante brutalité de la police de masse et des gendarmes”” [The Anarchist Révolution, pp. 8-9].

La clé pour voir pourquoi le socialisme d’État est du capitalisme d’État peut tout simplement être trouvé dans l’absence de changement dans les relations sociales dans le lieu de production. Les travailleurs sont encore des esclaves salariés, engagés par l’État et soumis à ses ordres. Lénine a souligné dans “l’État et la révolution”, que sous le socialisme marxiste “”tous les citoyens sont transformés en employés de l’État… Tous les citoyens deviennent des employés et des travailleurs d’un seul ensemble de l’état syndiqué… L’ensemble de la société devra devenir un guichet unique et une seule usine, avec l’égalité de travail et de rémunération”” [Lénine, Selected Works, vol. 2, p. 312]. Étant donné que Engels avait fait valoir, contre l’anarchisme, qu’une usine exige de la subordination, de l’autorité, de l’absence de liberté et “”un véritable despotisme indépendant de toutes les organisations sociales”” l’idée de Lénine de transformer le monde en une grande usine revêt un caractère extrêmement effrayant [Marx-Engels Reader, p. 731]. Une réalité que décrit un anarchiste en 1923 comme étant le cas dans la Russie de Lénine :

“”La nationalisation de l’industrie, en retirant les travailleurs des mains des capitalistes, les ont livrès aux mains encore plus rapaces d’un seul, au patron capitaliste toujours présent, l’État. Les relations entre les travailleurs et ce nouveau patron sont les mêmes que plus tôt dans les relations entre travail et capital, avec la seule différence que le chef communiste, l’État, non seulement exploite les travailleurs, mais aussi les punit lui-même… le travail salarié est restée ce qu’il était avant, sauf qu’il a pris le caractère d’une obligation à l’État… Il est clair que, dans tout cela, nous sommes face à une simple substitution du capitalisme d’État pour le capitalisme privé”” [Piotr Archinov, Histoire du Mouvement Makhnovist, p. 71].
Tous les commentaires qu’a fait Bakounine semblent justifiés (ainsi aussi incroyablement précis) :

“Le travail financé par l’État – tel est le principe fondamental du communisme autoritaire, du socialisme d’État. L’Etat, étant devenu le seul propriétaire… sera devenu seul capitaliste, banquier, prêteur d’argent, organisateur, directeur de tout le travail national, et le distributeur de ses bénéfices. ” [The Political Philosophy of Bakunin, p. 293]

Un tel système, basé sur ces pays “où le développement capitaliste moderne a atteint son niveau le plus élevé de développement” verra “l’expropriation progressive ou violente des propriétaires et des capitalistes présents, ou de l’appropriation des terres et des capitaux par l’État. Afin de pouvoir mener à bien sa grande mission économique et social, cet État devra être très ambitieux, très puissant et très centralisée. Il sera chargé d’administrer et de superviser l’agriculture par le biais de ses gestionnaires nommés, qui commanderont des armées de travailleurs du monde rural organisés et disciplinés à cet effet. Dans le même temps, il mettra en place une seule banque sur les ruines de toutes les banques.” Un tel système, Bakounine l’a correctement prédit, serait “un régime de casernes pour le prolétariat, dans lequel une masse standardisée d’hommes et de femmes travailleurs se lèveraient, sommeilleraient, travailleraient et vivraient au cour d’un régime de privilège pour les compétents et les intelligents. ” [Michael Bakunin: Selected Writings, p. P. 258 et 259]

Proudhon, de même est bien conscient du fait que la propriété d’État ne signifie pas la fin de la propriété privée, mais il signifie un changement de qui commande la classe ouvrière. “Nous ne voulons pas”, a-t-il déclaré, “voir l’État confisquer les mines, les canaux et les chemins de fer, ce qui serait ajouter de la monarchie, plus de salaire et d’esclavage. Nous voulons que les mines, les canaux, les chemins de fer remettent aux associations de travailleurs organisés démocratiquement” qui serait le début d’une “grande fédération d’entreprises et de sociétés tissé dans le tissu commun de la République démocratique sociale.” Il opposait des associations de travailleurs gérés par et pour leurs membres à ces “subventions, commandé et dirigé par l’État”, qui écraserait “toute liberté et toutes les richesses, précisément comme les grandes sociétés anonymes sont en train de le faire.” [No Gods, No Masters, vol. 1, p. 62 et p. 105]

Autrement dit, si les travailleurs n’ont pas directement la gestion de leurs propres travaux, il importe peu de savoir qui possède officiellement les lieux de travail dans lesquels ils font le labeur. Comme le fait valoir Maurice Brinton, les socialistes libertaires “tiennent que les « rapports de production »- les relations des individus ou des groupes à conclure avec un autre pour produire des richesses – sont les fondements essentiels de toute société. Un certain type de relations de production est le dénominateur commun de toutes les sociétés de classe. Ce modèle est celui où le producteur ne domine pas les moyens de production, mais au contraire les deux sont “séparés d’eux” (NDT : traduction à revoir) et du produit de son [ou ses] propre travail. Dans toutes les sociétés de classe, le producteur est dans une position de subordination vis à vis de ceux qui gèrent le processus de production. La gestion de la production par les Travailleurs – qui implique qu’il y ait une totale domination du producteur sur le processus de production – n’est pas pour nous une question marginale. C’est le cœur de notre politique. C’est le seul moyen par lequel les relations autoritaires (donneurs et preneurs d’ordres) de la production puissent être transcendés et qu’une libre société, communiste ou anarchiste, soit introduite.” Il note que «les moyens de production peuvent changer de mains (en passant par exemple du secteur privé dans les mains d’une bureaucratie, collectivement propriétaires) sans que cela révolutionne les rapports de production. Dans de telles circonstances – et quel que soit le statut officiel de la propriété – la société est encore pour une société de classes, la production est encore géré par un organisme autre que les producteurs eux-mêmes. Les relations de propriété, en d’autres termes, ne reflètent pas nécessairement les rapports de production. Ils peuvent servir à les masquer – et en fait, ce qu’ils ont souvent fait”. [The Bolsheviks and Workers' Control, pp. vii-vii]

À ce titre, pour les anarchistes (…) l’idée que la propriété d’Etat des moyens d’existence (la terre, les lieux de travail, usines, etc) soit la base du socialisme est tout simplement faux. Par conséquent, l’”anarchisme ne peut se pencher sur la révolution à venir comme une simple substitution… de l’État en tant que capitaliste universel pour les capitalistes actuels.” [Kropotkin, Evolution and environment, p. 106] Étant donné que l’”organisation de l’État ayant toujours été… L’instrument pour l’établissement de monopoles en faveur des minorités au pouvoir, [il] ne peut être fait pour travailler à la destruction de ces monopoles. Les anarchistes considèrent, donc, que donner à l’État toutes les principales sources de la vie économique – la terre, les mines, les chemins de fer, de la banque, l’assurance, et ainsi de suite – ainsi que la gestion de toutes les principales branches de l’industrie… reviendrait à créer une nouvel instrument de tyrannie. Le capitalisme d’État ne ferait qu’accroître les pouvoirs de la bureaucratie et du capitalisme.” [Kropotkin's Revolutionary Pamphlets, p. 286]. Il va sans dire, qu’une société qui n’était pas démocratique sur le lieu de travail ne resterait pas non plus politiquement démocratique. Soit la démocratie deviendrait formelle comme ça l’est au sein d’une république capitaliste ou il serait remplacé par la dictature. Ainsi, sans une base solide dans la gestion directe de la production, les sociétés “socialistes” verraient le pouvoir social de la classe ouvrière ( “pouvoir politique”) et de la liberté dépérir et mourir, tout comme une fleur arraché du sol.

Sans surprise, compte tenu de tout cela, nous découvrons à travers l’histoire la co-existence de la propriété privée et la propriété d’État. En effet, la nationalisation des principaux services et des industries a été mis en cœur dans tous les types de gouvernements capitalistes et dans toutes sortes d’États capitalistes (ce qui prouve la nature non-socialiste de l’État). En outre, les anarchistes peuvent pointer des événements où la classe capitaliste a utilisé la nationalisation de saper les gains révolutionnaire de la classe ouvrière. Le meilleur exemple est, de loin, dans la révolution espagnole, lorsque le gouvernement catalan a utilisé la nationalisation contre la vague spontanée de collectivisation, d’inspiration anarchiste, qui a placé la plupart de l’industrie directement dans les mains des travailleurs. Le gouvernement, sous le couvert de légaliser les acquis des travailleurs, les a placé sous la propriété d’État pour arrêter leur développement, assurer le contrôle hiérarchique et une société de classe.

Un processus similaire a eu lieu au cours de la Révolution Russe sous le pouvoir bolchevik. De manière significative, “de nombreux gestionnaires, du moins ceux qui sont restés, semblent avoir préféré la nationalisation (contrôlé par l’État) que le contrôle des travailleurs et ont coopérés avec les commissaires bolcheviques pour l’introduire. Leurs motivations ne sont pas trop difficile à comprendre… La question de qui gère les usines – qui prend des décisions – est, et probablement il en sera toujours ainsi, la question cruciale pour les gestionnaires dans tout système de relations professionnelles. ” [Jay B. Sorenson, The Life and Death of Soviet Trade Unionism, pp. 67-8]. Comme nous en discutons dans la section suivante, les gestionnaires et les capitalistes ne sont pas les seuls qui n’aimaient pas le contrôle des “travailleurs”, les bolcheviks l’ont fait ainsi, qui ont veillé à ce que ce soit marginalisé dans un système centralisé de contrôle de l’Etat fondé sur la nationalisation.

À ce titre, les anarchistes pensent qu’en fait une fausse dichotomie a été mise en place dans les discussions sur le socialisme, celle qui a servi les intérêts des capitalistes et des bureaucrates de l’état. Cette dichotomie est tout simplement que les choix économiques à la disposition de l’humanité sont la propriété “privée” des moyens de production (le capitalisme), ou de la propriété d’État des moyens de production (généralement défini comme «socialisme»). De cette manière, les nations capitalistes utilisent l’Union soviétique, et continuent à utiliser les autocraties comme la Corée du Nord, la Chine, et Cuba à titre d’exemples des maux de la propriété «publique» des actifs productifs.

Les anarchistes ne voient guère de distinction entre la propriété “privé” des moyens d’existence et la propriété d’”état” . C’est parce que l’État est une structure fortement centralisé spécifiquement conçue pour exclure une participation massive et, donc, nécessairement composé d’un corps décisionnaire administratif. À ce titre, le «public» ne peut effectivement pas “posséder” la propriété que l’état prétend détenir en son nom. La propriété et, par conséquent, le contrôle des moyens de production sont alors entre les mains d’une élite au pouvoir, l’administration publique (c’est-à-dire la bureaucratie). Ainsi, les moyens de production et la terre d’un État d’un régime “socialiste” ne sont pas détenues par le public – plutôt, elles sont détenues par une élite bureaucratique, au nom du peuple, une subtile mais importante distinction.

De cette manière, les décisions concernant l’allocation et l’utilisation des actifs productifs n’est pas faite par les gens eux-mêmes, mais par l’administration, par une planification économique. De même, dans les économies capitalistes “privé”, les décisions économiques sont prises par une coterie de gestionnaires. Dans les deux cas, les gestionnaires prennent des décisions qui reflètent leurs propres intérêts et les intérêts des propriétaires (que ce soit les actionnaires ou la bureaucratie étatique) et non les travailleurs concernés ou de la société dans son ensemble. Dans les deux cas, la prise de décision économique vient par nature du haut vers le bas, faite par une élite d’administrateurs – bureaucrates dans l’économie socialiste d’état, les capitalistes ou les gestionnaires dans l’économie capitaliste “privé”. Le grande distinction du capitalisme est que, contrairement à la monolithique et centralisée bureaucratie socialiste d’État, il y a le choix des patrons (et choisir un maitre n’est pas de la liberté). Et compte tenu des similitudes dans les relations de production entre le capitalisme et le “socialisme” d’Etat, l’évidence des inégalités de richesse dans les soi-disant États “socialistes” est facilement expliqué. Les relations de production et les relations de distribution sont étroitement liées et l’inégalité en termes de pouvoir dans la production signifie l’inégalité dans le contrôle de la production sociale, ce qui comptera dans les inégalités en termes de richesse.

En d’autres termes, la propriété privée existe si certains individus (ou groupes) contrôlent / possèdent des choses qui sont utilisés par d’autres personnes. Cela signifie, sans surprise, que l’État est seulement une forme de propriété plutôt que la négation de celle-ci. Si vous avez une structure très centralisée (comme l’État) qui planifie et décide de tout dans la production, cette administration centrale serait le véritable propriétaire parce qu’il a le droit exclusif de décider comment les choses sont utilisés, pas ceux qui les utilisent. L’existence de cette strate administrative centrale exclut l’abolition de la propriété, remplaçant le socialisme ou le communisme par l’état possédant la “propriété”, c’est-à-dire le capitalisme d’État. À ce titre, l’État ne met pas fin au travail salarié et, par conséquent, les inégalités sociales en termes de richesse et d’accès aux ressources. Les travailleurs sont tout de même des preneurs d’ordre sous la possession d’État (dont les bureaucrates contrôlent le produit de leur travail et déterminent qui reçoit quoi). La seule différence entre les travailleurs sous la propriété privée et sous la propriété d’État est la personne leur disant quoi faire. Autrement dit, le capitalisme ou le gestionnaire nommé par une société est remplacé par un état nommé un (NDT : traduction à la fin à revoir).

Comme l’anarcho-syndicaliste Tom Brown le souligne, quand «de nombreux contrôlent les moyens par lesquels ils vivent, ils le feront en supprimant la propriété privée et l’établissement de la propriété commune des moyens de production, avec le contrôle des travailleurs de l’industrie.” Toutefois, ce ne doit pas «être confondu avec la nationalisation et le contrôle de l’État» comme «la propriété, en théorie, dit-on, appartient au peuple”, mais en fait “le contrôle est entre les mains d’une petite classe de bureaucrates.” Ensuite, “la propriété commune n’existe pas, mais le marché du travail et le travail salarié oui, le travailleur reste un esclave salarié du capitalisme d’État». En d’autres termes, la propriété commune “exige un contrôle commun. Ce n’est possible que dans une condition de démocratie industrielle par le contrôle des travailleurs”. ” [Syndicalisme, P. 94] En résumé :

“La nationalisation n’est pas la socialisation, mais du capitalisme d’État… la socialisation… N’est pas la propriété d’État, mais la propriété commun, sociale des moyens de production, et la propriété sociale implique un contrôle par les producteurs, et non par de nouveaux patrons. Il implique Le contrôle de l’industrie par les travailleurs – et c’est du Syndicalisme. ” [Op. Cit., P. 111]

Toutefois, de nombreux marxistes (léninistes en particulier) indiquent qu’ils sont en faveur de la propriété d’Etat et du “contrôle des travailleurs”. Comme nous l’examinerons plus en profondeur,  alors qu’ils ont la même signification que les anarchistes pour le premier terme, ils ont un sens radicalement différent pour le deuxième (c’est pour cette raison qu’actuellement les anarchistes utilisent généralement le terme d’«auto-gestion des travailleurs»). Pour les oreilles anarchistes, la combinaison de la nationalisation (l’État) et du “contrôle des travailleurs” (et plus encore, l’auto-gestion) exprime tout simplement une confusion politique, un mélange d’idées contradictoires qui cache tout simplement le fait que l’État, de par sa nature, s’oppose au contrôle des travailleurs. À ce titre, les anarchistes rejettent ces discours contradictoires en faveur de la “socialisation” et “l’auto-gestion de la production par les travailleurs” . L’histoire montre que la nationalisation sera toujours préjudiciable au contrôle des travailleurs sur le lieu de production et une telle rhétorique ouvre toujours la voie au capitalisme d’État.

Par conséquent, les anarchistes sont à la fois contre la nationalisation et la privatisation, les reconnaissant aussi bien comme des formes de capitalisme, d’esclavage salarié. Nous croyons en une véritable propriété publique des moyens de production, plutôt que de contrôle corporatif/privé ou d’État/bureaucratique. Ce n’est que de cette manière que le public peut répondre à ses propres besoins économiques. Ainsi, nous voyons une troisième voie qui se distingue des populaires “soit / ou” options transmises par les capitalistes et socialistes d’état, une voie qui est plus entièrement démocratique. Il s’agit de l’auto-gestion de la production par les travailleurs, basé sur la propriété sociale des moyens d’existence par les fédérations de commune et de syndicats auto-gérés.

Pour une discussion plus approfondie, voir la discussion “Le salariat collectiviste” de Kropotkine dans la Conquête du Pain et des sélections du “British Anarchist Journal Freedom” au sujet des nationalisations à grande échelle qui ont eu lieu après la fin de la Seconde Guerre mondiale intitulé “Ni nationalisation Ni Privatisation: Une approche anarchiste“. »

Texte publié sur Socialisme libertaire

http://www.socialisme-libertaire.fr


Enrique   |  Analyse, Politique   |  02 17th, 2019    |