Cuba : Le pays au monde qui compte le plus de personnes en prison par rapport à sa population totale

Selon Europa Press, il y a plus de 90 000 prisonniers de droit commun sur l’île, reconnus par la Direction générale des prisons elle-même. De plus, il y a 37 458 personnes dans d’ “autres situations sous contrôle judiciaire et policier”, ce qui fait un total de 127 458 condamnés ou en attente de jugement. Rappelons que Cuba compte 11 millions d’habitants.

Cuba serait selon ces chiffres le premier pays au monde en termes de personnes privées de liberté, si le classement de l’Institut de recherche sur les politiques en matière de criminalité et de justice à Cuba prenait en compte les données réelles.

Les organisations de droits de l’homme cubaines affirment qu’il y a actuellement 8 400 détenus “antisociaux”, chaque année 3 833 cas de ce type sont traités avec un niveau de condamnations supérieur à 99,5 %, dont près de 77 % sont internés en hôpital psychiatrique. 2 929 détenus subissent une peine d’emprisonnement et 885 des mesures alternatives telles que le travail d’intérêt public.

La répression et l’arbitraire sont appliqués à 11 000 prisonniers criminalisés en raison de ce que l’on appelle la “dangerosité sociale préventive”, ils subissent des condamnations uniquement basées sur des préjugés sans besoin d’un délit. Il y a 11 000 familles touchées chaque année à Cuba par cette condamnation, leurs membres sont condamnés à des peines de un à quatre ans de prison sans n’avoir jamais commis de crime, uniquement par ce qu’ils sont potentiellement dangereux socialement.

Pas moins de répression à Cuba, mais de nouvelles tactiques de répression contre les opposants

Selon les organisations de droits de l’homme cubaines, au 1er janvier 2020, il y a un total de 126 personnes emprisonnées pour s’être opposées politiquement au régime cubain.

Les protestations soutenues contre le régime ont généré un changement dans la méthodologie répressive. La diminution des détentions sur l’île n’est pas due au fait que les autorités sont devenues bienveillantes, mais plutôt à la plus grande efficacité des dénonciations des citoyens ayant accès au web et aux technologies numériques.

Le régime cubain a été obligé de modifier ses méthodes de répression contre les journalistes indépendants, les opposants politiques et les voix critiques en général. La création de bases de données personnalisées à l’étranger contenant des informations sur les forces répressives cubaines, les sanctions internationales contre le gouvernement cubain et certains de ses dirigeants, et la déportation vers l’île de plusieurs responsables de la répression qui s’étaient réfugiés aux États-Unis ont provoqué ce changement de stratégie répressive.

Les détentions à Cuba ont diminué notablement au cours des trois dernières années. Alors qu’en 2016, 9 942 arrestations arbitraires ont été signalées, en 2018, il y en a eu 2 873, selon les données compilées par la Commission cubaine des droits de l’homme et de la réconciliation nationale, un organisme d’opposition.

La réduction des arrestations de près de 71 % est également due au réajustement des méthodes répressives employées par le régime, suite au tollé mondial généré par les condamnations de 75 opposants et membres de la société civile indépendante, lors de la vague répressive connue sous le nom de “Printemps noir” (1), en 2003.

Pendant des années, le gouvernement a centré la répression sur des milliers de brèves détentions arbitraires, tout en continuant à utiliser des menaces, des passages à tabac, des actes de répudiation et de harcèlement pour les opposants et leurs familles et d’autres formes de coercition très visibles.

Parmi les nouvelles tactiques, la Fondation pour les droits de l’homme à Cuba mentionne les interdictions de quitter le pays (de soi-disant “règlements” de migration) et l’intensification des mesures administratives contre les personnes qui ne sont pas membres d’organisations d’opposition, mais qui sont considérées comme des voix critiques.

Elles comprennent également l’arrestation arbitraire de militants et de journalistes indépendants chez eux, la fabrication de crimes de droit commun pour condamner des dirigeants politiques à la prison, ainsi que des menaces de ne pas pouvoir quitter le pays contre les personnalités de la société civile ou contre les fauteurs de troubles.

Novembre 2019 a été un mois où les tactiques répressives de la dictature ont changé et où le gouvernement à utiliser une vieille formule pour remplacer les arrestations : garder les dissidents emprisonnés chez eux, avec la présence de policiers politiques et de patrouilles de police les empêchant de sortir.

La Fondation pour les droits de l’homme a également demandé l’enregistrement des cas de militants ou de dissidents qui ont été criminalisés en raison de ce que l’on appelle la “dangerosité sociale préventive”, et a préconisé la création de bases de données sur les forces de répression cubaines, qui devraient être sanctionnées au niveau international pour des méthodes portant atteinte aux droits fondamentaux comme le refus de visa et l’interdiction des transferts de fonds.

La répression contre les libertaires

Nos compagnons de l’Atelier libertaire Alfredo López et du Centre social ABRA de La Havane
subissent aussi cette répression. L’année 2019 a été marquée par l’exil de nos camarades Jimi Roque et Isbel Díaz, constamment harcelés par la police en tant que militants anarchistes et LGBTIQ. Le départ de ces deux compagnons n’empêche pas les autres militants de l’Atelier de continuer à faire un travail solidaire dans le quartier de Lawton, où se trouve le Centre social ABRA et de développer de nouvelles activités avec leur réseau militant.

Une des activistes de ce réseau d’amis d’ABRA est en train de contester le renvoi d’une militante pour raisons politiques de son poste de professeur d’art africain à l’Institut des Arts de La Havane. Un processus dans lequel les compagnons de l’Atelier libertaire sont impliqués dans le soutien à cette professeur mère célibataire et sans emploi.

Des liens ont été créés par les anarchistes avec le Mouvement San Isidro et le militant Luis Manuel Otero Alcántara, ce qui a rapidement déclenché une réaction de la police. Ce mouvement conteste le décret 349, un instrument du régime qui institutionnalise la censure dans l’art et lui permet de contrôler l’activité culturelle indépendante sur l’île.

Au cours des deux dernières années, Luis Manuel Otero Alcántara a été détenu arbitrairement à 18 reprises, plus de la moitié des arrestations ont eu lieu en 2019, année au cours de laquelle Cuba a connu une répression croissante contre les journalistes, les militants et presque tout citoyen qui exprime publiquement son désaccord avec le régime. Luis Manuel a été arrêté dans la rue, lors d’événements culturels, à l’aéroport de La Havane, et même à l’intérieur de sa propre maison. Il a également été disqualifié sur les réseaux sociaux par le vice-ministre de la Culture Fernando Rojas, qui l’a accusé de “n’avoir aucun soutien artistique”, Aujourd’hui Luis Manuel n’est pas autorisé à quitter le pays.

Le Mouvement San Isidro travaille en relation avec l’Atelier libertaire Alfredo López à promouvoir un changement de politique envers la société civile.

Daniel Pinós

Groupes d’appui aux libertaires et aux syndicalistes indépendants de Cuba (GALSIC)

Photo : Luis Manuel Otero Alcántara

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  1. Le “Printemps” noir est une répression politique menée en 2003 par les autorités cubaines à l’encontre des dissidents, accusés notamment d’être des agents des États-Unis. Le gouvernement cubain a emprisonné durant cette période 75 dissidents, dont 29 journalistes, des bibliothécaires, des militants pour la démocratie et des droits de l’homme.Après la mort du prisonnier Orlando Zapata  en 2010, à la suite d’une grève de la faim de 85 jours, les négociations entre l’Église cubaine et le régime communiste conduisirent à la libération des derniers membres du “groupe des 75” en 2012.

Enrique   |  Actualité, Politique, Répression   |  01 14th, 2020    |