Dans la ville nucléaire cubaine bloquée dans les années 90

Certaines personnes vivent encore à proximité d’une centrale nucléaire désaffectée, construite avant l’effondrement de l’Union soviétique.

En 1976, Cuba et l’URSS signent un accord pour construire plusieurs centrales nucléaires dans la ville de Juragua, près de Cienfuegos, à 230 kilomètres au sud-est de La Havane. La construction du premier réacteur commence en 1982 sous la supervision de Fidel Castro Díaz-Balart, le fils aîné du leader cubain Fidel Castro. Le projet comprend également la fondation d’une ville calquée sur celle de Pripyat, située à trois kilomètres de la centrale nucléaire de Tchernobyl.

La Ciudad Nuclear, également construite en 1982, est conçue pour abriter des milliers d’employés, dont certains ont séjourné en Union soviétique pour étudier la physique nucléaire et apprendre le russe. Les 30 000 personnes qui y posent leurs valises espèrent faire partie de ce qui est alors qualifié par les deux gouvernements de « projet du siècle ».

Mais au début des années 1990, quelques mois après la dislocation de l’Empire soviétique, la construction de la centrale est officiellement interrompue. Depuis, la population de Ciudad Nuclear est tombée à 7 000 habitants, et la ville, abandonnée ou presque, semble suspendue dans le temps, caractérisée par ses bâtiments soviétiques alignés le long de la côte cubaine.

J’ai visité Ciudad Nuclear pour la première fois en 2013. J’ai photographié la centrale pour mieux comprendre ce qui restait du projet. J’y suis retourné cinq ans plus tard, en 2018, afin de rendre compte de la ville et de ses habitants, dont beaucoup se souviennent affectueusement de l’époque de la construction comme celle d’une croissance économique. La vie était belle, m’ont-ils dit. Mais la plupart d’entre eux éprouvent de la rancœur, à juste titre, à l’égard de ce qui s’est passé depuis et de cette vision grandiose qui ne s’est jamais réalisée.

Lors de mon deuxième séjour, je me suis rendu compte que, bien que le village soit resté plus ou moins le même, les choses autour de la centrale ont changé. Un mur a été construit autour du réacteur inachevé, protégé par des gardes en uniforme du haut de leurs petites tours de guet. J’ai essayé de leur demander si je pouvais entrer, en vain : ils ne bougeraient pas. Plus personne n’y a accès aujourd’hui.

Yuri Segalerba

Traduit par Sandra Proutry-Skrzypek

vice.com

Photos de Yuri Segalerba



Enrique   |  Actualité, Histoire, Économie   |  02 23rd, 2020    |