L’école et l’armée, même combat patriotique ?

À Cuba, toute personne souhaitant débattre de la société civile ne doit pas oublier que “civil” et “militaire” sont des termes très liés dans ce pays. Souvent même, ils se mélangent et se confondent.

La révolution cubaine a toujours été définie comme une lutte contre le pouvoir impérialiste des États-Unis. Ces derniers auraient comme volonté suprême d’arracher l’indépendance à l’île caribéenne. C’est pourquoi tous les Cubains sont préparés au combat au cas où l’hypothétique guerre qui flotte dans l’atmosphère depuis plus d’un demi-siècle soit déclenchée.

Chaque adulte a l’obligation de s’enregistrer dans l’un des innombrables comités militaires dispersés sur l’Île et doit prendre part aux “mobilisations” (de brefs cours d’entraînement militaire) dès qu’il est appelé. Par exemple, les étudiants et universitaires reçoivent des leçons de “préparation à la défense”, de “préparation militaire intégrale” et d’autres cours théoriques et pratiques.

Les discours officiels martèlent sans relâche la “guerre de tous les Cubains” et du “peuple en uniforme”. Aucune déviance de pensée n’est possible, l’État essayera toujours de mettre un fusil entre chaque main. Le plus terrible est que ce processus commence sans qu’on ne s’en rende compte dès la plus tendre enfance.

Au combat vous courez…

C’est une scène quotidienne dans une école primaire du pays : l’horloge sonne huit heures et les élèves, vêtus de leur uniforme, s’organisent en ligne comme les escouades d’un bataillon et saluent le drapeau cubain en chantant l’Hymne National.

Le salut est quasi identique à celui des militaires : la main sur le front, le regard levé. Le drapeau honoré a un triangle rouge. Les enfants ont appris que ce triangle symbolise “le sang versé par les Cubains dans la bataille pour l’indépendance”. L’Hymne repris en choeur, inspiré de La Marseillaise, célèbre le combat contre l’impérialisme espagnol. Les paroles sont sans ambiguïté : “au combat, vous courez. (…) Mourir pour la patrie, c’est vivre”

Tous les ingrédients sont réunis pour que le patriotisme militaire triomphe. Dès leur naissance, les Cubains doivent accepter d’être de fidèles serviteurs pour leur patrie et mourir pour elle si c’est nécessaire. En plus du drapeau, flottent dans les cours d’école la devise Patria o Muerte (la Patrie ou la Mort) et les nombreux discours de Fidel Castro.

Les leçons d’Histoire de Cuba

Parmi tous les livres utilisés dans les écoles, les manuels d’Histoire sont ceux où la doctrine est la plus présente. En plus d’une Histoire souvent réécrite par le Parti Communiste, le ton épique utilisé est sans équivoque sur la volonté des autorités.

Les élèves étudient la vie de fidèles combattants pour la liberté de l’Île de Cuba : Ignacio Agramonte, Antonio Maceo, Máximo Gómez, Julio Antonio Mell, Camillo Cienfuegos, Ernesto Che Guevara et bien sûr Fidel Castro. Leur bravoure et leur héroïsme sont vaillamment célébrés. On sème l’idée que Cuba est un pays de guerriers où les vertus révolutionnaires sont fièrement préservées. Les acteurs civils dans le développement du pays sont relégués à un rang subalterne. Seuls les militaires sont les véritables acteurs de l’Histoire nationale. À Cuba, il faut mourir pour son pays pour gagner en popularité.

Le paroxysme arrive quand un fait historique est évoqué au moyen d’une représentation théâtrale dans une école. Les évènements célébrés ont très souvent un lien avec la guerre. Les enfants sont déguisés en uniforme, brandissent des armes en plastique et simulent des fusillades ou des combats.

Le pire est que les enfants ne s’en rendent pas compte. Ils grandissent entourés de violence idéologique, seul moyen utile pour construire l’avenir. C’est une des raisons pour laquelle le projet de Nation cubaine s’affaiblit chaque jour. Ce culte obsolète laisse les enfants sans aspiration pour leur pays.

Des écoles aux dirigeants, l’idéologie est diffusée dans toutes les strates de la société cubaine. Pour s’en départir, nous devrons laisser les guerres dans l’Histoire du pays et convertir la  devise “la Patrie ou la Mort” en “la Patrie ou la Vie”.

David E. Suárez


Enrique   |  Société   |  08 27th, 2011    |