A Cuba, le débat sur le reggaeton fait rage

Une polémique virulente touche à la fois l’organe officiel du Comité central du Parti communiste de Cuba et la blogosphère cubaine alternative : doit-on interdire le reggaeton à la mode, la chanson qui fait danser les Cubains ?

Sur le banc des accusés figurent le chanteur et compositeur Osmani Garcia et son tube « Chupi chupi ».

Le vidéoclip a été nominé aux prix Lucas, qui doivent être attribués dimanche 27 novembre, au théâtre Karl Marx de La Havane.

Mercredi, soit quatre jours avant la remise des prix, le quotidien officiel Granma a tiré à boulets rouges contre « la vulgarité dans notre musique », désignant la cible par le choix de l’illustration ci-contre : « Chupi chupi ».

Dans un long article, une professeure de l’Institut supérieur d’art s’attaque au choix des programmateurs et à leur justification, qui est la même partout : « le public aime ça ». Malgré l’argumentaire emberlificoté, la salve dissuadera sans doute les radios et les chaînes de télévision cubaines de continuer à diffuser le tube d’Osmani Garcia.

Comme souvent dans le reggaeton, sa chanson évoque une sexualité machiste, utilisant la sucette (un chupi chupi) comme métaphore du pénis :

« Dame un chupi chupi, que yo lo disfruti, abre la bocuti, tragatelo tuti. Dame un chupi chupi, dale ponte cuqui y apaga la luqui, que se formo el balluqui. »

(Donne-moi une sucette, que j’en jouisse, ouvre la bouche, avale tout. Donne-moi une sucette, fais-toi belle et éteins la lumière, voilà la partouze).

Veronica Vega, écrivaine cubaine venue en France à l’occasion de la manifestation littéraire Belles Latinas, avoue qu’elle se sent « agressée » en tant que femme par ce reggaeton entendu partout, y compris dans les transports publics de La Havane.

« Mais les médias ont privilégié le reggaeton au détriment du rap et du rock, parce que ce genre de musique n’est pas politique, il n’évoque pas les difficultés de la société cubaine », selon Veronica.

Le débat en cours pose le problème du monopole du parti unique sur les médias, explique Yoani Sanchez sur son blog Generacion Y. La question serait envisagée autrement si le pluralisme des opinions (et des sensibilités) avait droit de cité. Cela étant, « les goûts musicaux ne se changent pas par la censure », plaide Yoani.

Une fois n’est pas coutume, le site officiel Cubadebate est d’accord avec la blogueuse. « Je ne crois pas que la solution soit d’interdire le reggaeton à la radio ou ailleurs, écrit Paquita Armas Fonseca sur Cubadebate. Nous savons tous que les interdictions suscitent davantage d’expectative et désir d’entendre ou de voir ce dont nous sommes privés. »

Paulo Antonio Paranagua

http://america-latina.blog.lemonde.fr/

Le vidéoclip et la chanson à l’origine de la polémique :

http://www.ddcuba.com/multimedia/video/osmani-garcia-y-su-polemico-chupi-chupi


Enrique   |  Culture   |  11 27th, 2011    |