Miracle à La Havane !

Le “VRP du Vatican” en visite à Cuba

Les médias officiels cubains ont multiplié les messages de bienvenue à Benoît XVI, mais la visite papale n’aura pas suscité de ferveur dans la population. Les grandes messes, ordonnées par le pape, qui ont eu lieu à Santiago et à La Havane devaient rassembler des centaines de milliers de fidèles mais les places ne se sont pas remplies. Cette visite devait permettre le renforcement de la foi catholique parmi les Cubains, sur une île où depuis décennies la religion catholique a perdu beaucoup de terrain et au moment où les valeurs de la Révolution avec la crise d’identité sont en perte d’influence.

Fragilisé par la chute du mur de Berlin et la fin de l’aide soviétique, le régime s’essaie aujourd’hui à une certaine ouverture économique, accompagnée de réformes religieuses, donc sans danger pour lui. Et c’est l’Église catholique cubaine qui, après quarante ans de lutte acharnée contre la révolution castriste, sert d’intermédiaire.

Les processions sont de nouveau autorisées, les messes sont diffusées à la télévision, le 25 décembre est de nouveau férié, et un séminaire, le premier depuis un demi-siècle, est construit. Et l’Église va bientôt faire fructifier cette relation étroite, pour obtenir des faveurs politiques. Le mois de mai 2010 a vu un dialogue direct s’établir entre le président Raúl Castro, 80 ans, qui a succédé à son frère Fidel au pouvoir en 2006, et le cardinal Jaime Ortega, 75 ans, qui avait connu les camps de travail dans les années 1960. Ce rapprochement a permis la libération de quelque cent trente prisonniers politiques, pour la plupart exilés aujourd’hui en Espagne. Selon l’opposition, il reste à Cuba une cinquantaine de détenus politiques.

Le pape s’est bien gardé, durant sa visite, de dénoncer le sort des dissidents emprisonnés, cela alors que quelque cent cinquante militants d’opposition ont été arrêtés de manière préventive avant l’arrivée du pape. Le début de la messe, sur la place de la Révolution de Santiago, a d’ailleurs été perturbé par les cris d’un homme : “À bas le communisme, à bas la dictature”, a-t-il hurlé, avant d’être emmené par des policiers en civil. Le pape Benoît XVI a alors poursuivi son prêche, appelant les Cubains à “prendre les armes de la paix, le pardon et la compréhension [...] pour construire une société ouverte et rénovée”. Si le pape a rencontré Raúl Castro et son frère Fidel, aucun contact n’a eu lieu avec des représentants de l’opposition, jugée illégale.

À la déception des opposants s’est ajoutée une dénonciation de la collusion entre le régime des frères Castro et l’Église catholique. Le 13 mars dernier, c’est à la demande de l’archevêché que la police a fait évacuer une église du centre de La Havane, occupée durant deux jours par des dissidents qui réclamaient davantage d’ouverture politique.

Pour toute réponse au Cubains qui s’interrogent sur le futur du pays, le pape a répondu qu’il avait demandé à la Vierge de la Charité du cuivre, qu’il était venu commémorer, de se charger de l’avenir du pays. Ce qui fait que le Vatican se décharge de ce futur entre des mains divines. Les Cubains, confrontés aux difficultés économiques et au manque de liberté, prendront acte…

En fait cette visite a permis au gouvernement cubain et au Vatican de mettre en place un échange de bons procédés. La visite du pape à Cuba a été avant tout l’occasion de négocier avec les autorités cubaines un élargissement des droits de l’Église catholique, sans pour autant remettre en cause le système politique. Pour le clergé catholique, il s’agit de retrouver la place institutionnelle qui était la sienne avant la révolution cubaine de 1959. Et la faiblesse économique actuelle du pays le lui permettra. Les institutions religieuses ont des projets au sein de leurs communautés et font des contributions à des foyers du troisième âge et des institutions pour enfants sans protection parentale. Ce qui devrait permettre à terme la création d’institutions scolaires privées et de dispensaires et de cliniques gérés par l’église.

Les Cubains se sont résolus à abandonner les dogmes de l’économie centralisée afin de préserver la survie du parti unique. Le contexte à Cuba est celui d’une ouverture économique, accompagnée d’une fermeté politique. Cette visite permet  à Raúl Castro d’impulser ses « réformes » économiques, de plus en plus éloignées de l’orthodoxie, plus proches d’un « communisme sauvage » à la chinoise ou à la vietnamienne. Dans ce cadre, qui mieux que Benoit XVI pour jouer le rôle d’intermédiaire entre l’île et le reste du monde, sans pour autant remettre en cause le parti unique ? La perche tendue par La Havane semble avoir été saisie par le Vatican.

Enrique Roig San Martin


Enrique   |  Actualité, Politique   |  03 31st, 2012    |