George Clooney va filmer la révolution cubaine

Après Steven Soderbergh et son film en deux parties sur le Che, une autre figure de Hollywood, l’acteur, réalisateur et producteur George Clooney, s’apprête à nous livrer sa vision de la révolution cubaine.

Clooney veut évoquer le seul autre étranger, à part l’Argentin Ernesto Che Guevara, à avoir obtenu le grade de commandant au cours de la guerre de guérillas contre le régime de Fulgencio Batista. Il s’agit d’un Américain, William Alexander Morgan.

C’est un personnage oublié de l’histoire officielle à Cuba, et pour cause : il a été fusillé par le régime de Fidel Castro, le 11 mars 1961, dans la forteresse de La Cabaña, qui surplombe la baie de La Havane.

Drôle de personnage, mélange de bad boy et d’aventurier, dont la vie romanesque a dû plaire à Ernest Hemingway, « Gringo » comme lui, installé dans sa finca Vigia, près de La Havane. L’écrivain s’est suicidé trois mois plus tard, sans avoir pris la peine de s’étendre sur Castro, avec qui il partageait le goût de la pêche.

William Alexander Morgan était né dans l’Ohio, au cœur du Middle West, fils d’un cadre des assurances et d’une mère très catholique. Boy scout dans son enfance, il devient un adolescent fugueur, puis un bohémien qui enchaîne les petits boulots, le cirque et la foire. A dix-huit ans, il s’engage dans l’armée. La guerre est finie, il est affecté aux troupes d’occupation au Japon. Condamné pour indiscipline, il fait deux ans de prison militaire.

De retour au pays, il fréquente des milieux interlopes et commence à trafiquer des armes à destination de la guérilla de Castro.

A Cuba, il rejoint le second front de la sierra de l’Escambray, sous le commandement d’Eloy Gutiérrez Menoyo. Il se lie à une guérillera, Olga, qui lui donnera deux enfants. Après le départ de Batista, le « Comandante yanqui » prend la tête des révolutionnaires à Cienfuegos, puis se lance dans l’élevage de grenouilles.

Approché par des services américains et dominicains, il joue les agents doubles et parvient à faire avorter une conspiration. Fidel Castro, qui est à la manoeuvre, applaudit des deux mains.

Grande gueule, William Morgan ne cache pas son opposition aux communistes. Il croit naïvement que Fidel ne partage pas les convictions de son frère Raul Castro et de Guevara. Lorsque d’anciens combattants de l’Escambray reprennent le maquis, cette fois contre la « trahison » de la révolution, la répression castriste finira par rattraper le « Comandante yanqui ». Et le conduire devant le peloton d’exécution, après un procès sommaire.

C’est un long article de David Grann publié parThe New Yorker, fin mai, qui a attiré l’attention de George Clooney.

Très documenté, ce texte bénéficie de l’ouverture des archives américaines (CIA, FBI, renseignements militaires) et conclut à l’intégrité de l’engagement de William Morgan auprès des « barbudos ». Il n’a pas travaillé pour Washington.

Une biographie publiée en 2007 avait déjà contribué à réhabiliter « El Americano ».

What else ? La révolution cubaine aussi avait le goût du café fort. Aujourd’hui, Cuba importe le café et même le sucre.

Quels que soient les simplifications d’Hollywood, la production de Clooney évoquera sans doute mieux que le film de Soderbergh, les ombres et lumières du castrisme. Notamment sa propension à dévorer ses propres enfants et à décevoir ses partisans, par vagues successives, depuis le tout début.

L’article sur le « Yankee Comandante » :

http://www.newyorker.com/reporting/2012/05/28/120528fa_fact_grann?currentPage=all

Et sa traduction à l’espagnol :

http://www.penultimosdias.com/2012/05/29/el-comandante-yanqui-primera-parte/

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Paulo A. Paranagua. Blog  du Monde. America latina (VO)

http://america-latina.blog.lemonde.fr


Enrique   |  Culture, Histoire, Politique   |  07 11th, 2012    |