« Eloge de Fidel Castro ». Un texte inédit de Reinaldo Arenas
L’écrivain Reinaldo Arenas a écrit son « Eloge de Fidel Castro » en 1990, peu avant sa mort à New York.
Ce curieux article de l’écrivain cubain Reinaldo Arenas était resté inédit jusqu’à aujourd’hui. Il y a 18 ans, le quotidien français Libération en avait publié un bref extrait. Arenas l’avait écrit en mars 1990, peu avant sa mort, sur la proposition de Liliane Hasson, sa traductrice française, sa grande amie, la conseillère littéraire de ses exécuteurs testamentaires et sa rigoureuse biographe, dont le livre sera publié prochainement aux éditions Actes Sud. La prose débordante du romancier cubain est tempérée dans ce texte pour dessiner avec ironie et distance un portrait à la fois rétrospectif et prospectif de Fidel Castro. Il le dénude et le visite dans un « éloge » à la manière des grandes épigrammes. Nous nous trouvons devant un témoignage plus que d’actualité, écrit avec son meilleur style littéraire, et qui contient des vérités incontestables sur son positionnement politique et sa vision du drame cubain.
Une boîte de cendres, l’État et la prochaine révolution à Cuba
Cuba sans Fidel Castro. L‘évènement qu’imaginaient depuis des années les adeptes et les ennemis du leader supremo est une réalité accomplie. Sans faire beaucoup d’efforts pour le ressentir, nous avons perçu un silence public intense tout relatif face à l’imposante machinerie étatique de deuil national. Les porte-parole officiels ont insisté pour que ce silence soit une expression palpable de consternation de masses. Les opposants anticastristes ont souligné que ce mutisme était un signe de la crainte de représailles que pourraient subir ceux qui célèbrent l’évènement au milieu du deuil officiel.
Mais ni la consternation ni la jubilation réprimée furent les seuls ingrédients qui purent être ressentis à ce moment-là à Cuba. Dans le dialogue quotidien avec les voisins, les amis, les familles et le commun des mortels de la rue, nous avons eu la certitude que la mort de Fidel Castro pourrait être un événement transcendantale pour Cuba, pour le monde et même pour la soi-disant Histoire universelle. Mais en même temps une fois de plus il ne cessa d’être une nouvelle avec peu de conséquences pratiques pour l’écrasante quotidienneté sans espoirs que, comme partout, nous vivons, nous qui dépendons de la santé de la dictature salariale.
Contre-révolutionnaires d’hier, d’aujourd’hui et de toujours : le Parti « Communiste » cubain, avec Machado, Batista, Castro
L’action contre-révolutionnaire du Parti « Communiste » cubain, le parti unique du régime castriste, ne commence pas au moment où Fidel Castro se proclame « marxiste-léniniste ». Dès 1923, il fonctionne en tant que « Regroupement Communiste » aux ordres du stalinisme international. Comme toujours et partout dans le monde, à chaque moment décisif, ces « marxistes-léninistes » se sont situés contre les intérêts tant immédiats qu’historiques du prolétariat. A Cuba, il y a trois moments décisifs où la dictature générale du capital a concentré sa tyrannie contre le prolétariat et où le terrorisme d’Etat a atteint un niveau extrême : sous Machado, sous Batista et sous Castro. Et à chaque fois, les « marxistes-léninistes » cubains ont abandonné les luttes ouvrières et se sont mis aux ordres du tyran de service.
Cuba. Fidel Castro (1926-2016)
Après une longue maladie qui l’a forcé à se retirer du pouvoir en juillet 2006, Fidel Castro est mort le 25 novembre 2016. Auparavant, Castro avait survécu à beaucoup de tentatives des Etats-Unis de renverser son gouvernement et de l’éliminer physiquement, y compris en parrainant des invasions, en organisant de nombreuses tentatives d’assassinat et d’attaques terroristes. Il a exercé le pouvoir politique suprême à Cuba pendant plus de 47 ans. De même, après avoir quitté les plus hautes fonctions, il a continué à être politiquement engagé pendant plusieurs années, à rencontrer de nombreuses personnalités étrangères et à écrire ses Reflexiones dans la presse du Parti communiste cubain.
Cuba. Ni hagiographie ni critique assassine. Un bref bilan de l’héritage de Fidel Castro
Après avoir échappé à des centaines de tentatives d’assassinats et survécu à de multiples opérations médicales, Fidel Castro est décédé le 25 novembre 2016 à l’âge de 90 ans. Cette nouvelle qui a engendré une réaction de stupeur à Cuba a, au contraire, jeté les Cubains émigrés dans la rue à Miami. La production médiatique est à l’image de cette dichotomie, dressant d’un côté des portraits hagiographiques du leader révolutionnaire, s’appliquant de l’autre côté à noircir le trait en le caractérisant de tyran sanguinaire.
Il s’agit ici d’effectuer un bilan critique de l’héritage de Fidel Castro, en tentant de tenir le fil d’une lecture non partisane, sans pourtant être exempte d’une sensibilité politique favorable à la justice sociale et à la souveraineté nationale.
Cuba avant la révolution
Dans cet article, publié dans le Havana Times le 26 septembre 2015, Samuel Farber déconstruit le récit colonial états-unien réduisant le Cuba pré-révolutionnaire aux casinos, à la prostitution et au gangstérisme, en somme à une forme de décadence et d’immoralité.
D’après la conception populaire états-unienne, le Cuba pré-révolutionnaire était l’île du péché, vautrée dans les vices du jeu, de la mafia et de la prostitution. Plusieurs intellectuels influents ont partagé cette conception. En 1969, alors que la réalité cubaine avait radicalement changé, Susan Sontag (1933-2004) a décrit Cuba, dans un article de la revue Ramparts, comme étant un pays connu principalement pour la danse, la musique, les prostituées, les tabacs, les avortements, les centres touristiques et les films pornographiques.
“Au secours des libertaires cubains”. Un texte de juin 1963 publié par la revue “la Révolution prolétarienne”
A l’heure où ce qui reste de fidèles staliniens et d’idolâtres marxisants pleure la mort du dictateur cubain, il est bon de se souvenir que dès le lendemain de la prise de pouvoir de Castro à La Havane, certains observateurs libertaires faisaient montre d’une solide lucidité.
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La répression à l’égard de libertaires cubains ne se ralentit pas. Voici quelques nouvelles concernant certains d’entre eux :
Luis Miguel Linsuain, purge sa peine de 30 ans à la prison de Bonatio, Santiago-de-Cuba.
Sandalio Torres et Isidro Moscu (30 ans) à la prison de Pinar-del-Rio.
Placide Mendez et José Acena, à la Prison Modèle de Isla-de-Pinos.
Antonio Dagas, à la forteresse de La Cabana.
Prometeo Iglesias a été récemment transféré à l’île de Pinos pour accomplir sa longue détention à la Prison Modèle.
Qu’est-ce qui meurt à Cuba avec la mort de Fidel Castro ?
Dans ce texte, d’abord mis en ligne sur Cubaencuentro.com (une plateforme de nouvelles installée à Madrid et caractérisée par son positionnement critique de gauche de la Révolution cubaine), puis traduit par Marc Saint Upéry sur un blog de Mediapart, Haroldo Dilla effectue une déconstruction de la figure de Fidel Castro et du castrisme comme idéologie politique. Nous le republions ici en tant que contribution au débat sur l’héritage de Fidel Castro et de la révolution cubaine.
“Réplique sur Cuba”, par Gaston Leval (juin 1961)
Au mois de mai 1961, un mois après la tentative d’invasion de Cuba, épisode connu sous le nom de « débarquement de la baie des Cochons », paraissait dans « Le Monde libertaire », organe de la Fédération anarchiste, un article stupéfiant de bêtise (1), signé Ariel, tout à la gloire du socialisme en uniforme sauce castriste. Dans le numéro suivant de cette même publication, Gaston Leval (2), qui avait été mis en cause dans l’article d’Ariel pour ses positions critiques vis-à-vis de l’orientation prise alors par la révolution cubaine, lui répondait dans un texte remarquable, « Réplique sur Cuba ». A l’heure où ce qui reste de fidèles staliniens et d’idolâtres marxisants pleure la mort du dictateur cubain, il est bon de se souvenir que dès le lendemain de la prise de pouvoir de Castro à La Havane, certains observateurs libertaires faisaient montre d’une solide lucidité. C’est cet écrit de Gaston Leval que je me fais un plaisir de reproduire ici.
Mort de Fidel Castro : sous le romantisme révolutionnaire, la dictature et la misère
Incontestablement, la guérilla basée dans la Sierre Maestra fut la dernière des grandes aventures révolutionnaires. Des intellectuels, l’avocat Fidel Castro, et le médecin argentin Ernesto Guevara, avaient entrepris de renverser la dictature de Batista, en s’appuyant sur les paysans. Cuba est alors le lupanar des Etats-Unis. Les casinos, les palaces et les bordels de La Havane brassent plus d’argent que la canne à sucre, le rhum et les cigares. La mafia américaine plus que la CIA tient l’île en coupe réglée, les banques cubaines blanchissent l’argent de tous les trafics.