Débrouille. Cuba : en attendant Internet
Des câbles qui courent dans les rues et sur les toits, des antennes wifi plantées dans les rues de La Havane : voilà comment certains Cubains contournent l’inexistence, ou presque, d’Internet sur l’île.
Un réseau semi-clandestin
Dans un reportage passionnant, l’agence de presse américaine AP raconte comment des insulaires se connectent à ce réseau improvisé, intitulé SNet (pour « Street Net »), afin de faire ce que font des centaines de millions d’internautes à travers le monde :
« Des centaines [de personnes] sont connectées à chaque instant, se prenant pour des orques ou des soldats américains dans des jeux vidéo en ligne comme World of Warcraft ou Call of Duty. Ils échangent blagues et photos sur des forums de discussion et organisent des événements dans le monde réel comme des fêtes ou des sorties à la plage. »
La deuxième Journée du Printemps libertaire de La Havane. Du 29 mai au 7 juin 2015
L’atelier libertaire Alfredo López, la galerie Christ Sauveur, et Le Garde-forestier (groupe écologiste) convoquent à la deuxième Journée du Printemps libertaire de La Havane qui se tiendra du 29 mai au 7 juin 2015. Un espace ouvert aux processus et aux dynamiques anti-autoritaires et anti-capitalistes, qui contribuent aux formes de sociabilité et de conscience basées sur l’horizontalité, l’apprentissage mutuel et la responsabilité.
Nous avons l’intention de faire en sorte que la Journée soit, comme son nom l’indique, l’évocation d’un fruit printanier des idéaux libertaires, dont les racines, malgré toutes les adversités historiques, cherchent toujours à trouver les touches justes pour un nouveau souffle, des routes pour de nouvelles explorations et des possibilités de lutte et de transformation.
Nous vous invitons à participer avec vos inspirations et vos idées pour la production du corps thématique de l’événement. Soyez donc les bienvenus, à partir de l’amour qui réveille chaque geste honnête contre l’oppression.
Nous espérons vos communications et remercions par avance toute aide pour la promotion de cet événement.
La Havane, le 14 février 2015
Pour contacts et informations : primaveralibre@riseup.net
Où va Cuba ? (2)
55 ans après la révolution qui a renversé la dictature de Batista, la première génération de sa direction commence à disparaître et l’avenir de son projet « socialiste » reste incertain.
Cuba connaîtra-t-il l’expérience de la « thérapie de choc » capitaliste comme dans les anciens pays du bloc de l’Est ? La voie d’un capitalisme d’État comme en Chine et Vietnam sera-t-elle suivie ? La libéralisation économique s’accompagnera-t-elle, comme certains le demandent, d’une extension des libertés politiques et d’une tolérance plus grande à l’égard des dissidents ? Et au cas où une démocratie socialiste n’advenait pas dans l’île, quel rôle jouerait le secteur critique de gauche naissant ?
Où va Cuba ? (1)
En 2006, lorsqu’il a pris les rênes du pouvoir à Cuba, Raúl Castro a été confronté à une économie en crise qui appelait de profonds changements. Quatre ans plus tard le leader cubain proclamait toujours : « Soit nous rectifions, soit s’achèvera le temps d’être au bord du précipice et nous sombrerons, et avec… les efforts de générations entières ».
Une des premières mesures qu’il adopta a été l’élimination de l’entourage de Fidel – le Grupo de Apoyo –qui était connu pour son idéologie orthodoxe et qui fonctionnait en dehors des canaux de la bureaucratie, sous les ordres directs du commandant en chef pour mettre en œuvre sa « bataille des idées ». Peu à peu, Raúl commença à installer ses hommes de confiance aux postes clés, beaucoup d’entre eux étant des officiers de l’armée ; il substitua le style personnel d’intervention de Fidel et son contrôle direct sur ses subordonnés par une pratique autre, centrée sur la délégation des responsabilités gouvernementales et les résultats administratifs obtenus par les fonctionnaires comme preuve de leur efficacité bureaucratique. Dans le même temps, il a considérablement réduit les mobilisations et les manifestations dans les rues, qui étaient constamment organisées sous la férule de Fidel, afin de réduire les perturbations des activités économiques du pays ; il a déclaré qu’il ne se considérait pas comme un grand orateur et qu’il n’aimait pas parler en public, limitant au minimum la durée de ses déclarations présidentielles. À l’opposé du style de caudillo révolutionnaire de Fidel, Raúl Castro a adopté le style d’un homme d’affaires.
Ma Havane
Le journaliste et blogueur d’origine uruguayenne Fernando Ravsberg vit à Cuba depuis 25 ans. En tant que correspondant de BBC Monde et grâce à un regard critique, il a permis, par son blog « Cartes en provenance de Cuba » à des milliers de personnes habitant en dehors de l’Île de se pencher sur la réalité cubaine.
« On ne peut pas choisir où l’on naît mais parfois, on peut décider où vivre… Et moi, j’ai fait ce choix. Il y a 25 ans, j’ai posé mes bagages à Cuba après une vie de nomade. J’y ai fondé une famille, j’ai vu grandir mes enfants, je me suis fait de bons amis et aujourd’hui encore, je reste persuadé que je ne me suis pas trompé ». Il nous parle aujourd’hui de La Havane, sa « ville mythique ».
Délit de blasphème pour un artiste taggeur à La Havane
Alors qu’en France, suite aux événements du 7 janvier, le débat sur la liberté d’expression et le délit de blasphème a envahi les médias, à Cuba un autre événement nous montre les limites de la libéralisation à la cubaine que certains ont voulu mettre en évidence après le début des pourparlers entre le gouvernement cubain et le gouvernement nord-américain. Le témoignage qui suit est accablant pour les autorités cubaines, il nous fait découvrir les conditions de détention particulièrement difficiles des prisonniers cubains.
Danilo Maldonado, l’artiste taggeur connu sous le nom d’el Sexto (le Sixième) est en prison à La Havane depuis 6 semaines. Il a été arrêté alors qu’il voyageait dans un taxi dont le coffre contenait deux porcs vivants. Les animaux étaient recouverts de peinture verte et chacun d’eux avait un nom écrit sur le flanc. On pouvait lire d’un côté Fidel et de l’autre Raul.
L’intention de l’artiste était de les lâcher dans le Parc central (au cœur de La Havane) pour renouer avec une tradition rurale dans laquelle le défi est d’attraper les porcs. La performance a été interrompue par la police, elle était intitulée « Rébellion dans la grange », à la mémoire de George Orwell.
Sur le mouvement anarchiste actuel à Cuba : « Associations inattendues… » ou Atelier libertaire Alfredo López
Texte préparatoire au congrès pour une Fédération anarchiste d’Amérique centrale et de la Caraïbe
Le 25 Avril 2010 fut menée la première activité qui conduirait à l’émergence de libertaire Atelier Alfredo López. Une réunion qui a été organisée pour commémorer les racines anarchistes du 1er mai et la participation rapide des anarchistes de Cuba à cette commémoration, Cuba étant un des premiers endroits en Amérique où un hommage a été organisé en mémoire des compagnons tués à Chicago.
De cette réunion de l’année 2010 est sortie la coordination préliminaire pour une intervention autonome, en tant que groupe, lors de la célébration officielle organisée par l’État cubain. Cette activité et les quelques photos prises ont alimenté une grande partie de l’iconographie de notre site :
http://observatoriocriticocuba.org.
Les “héritiers” du Che : mythe et réalité d’une légende
L’article qui suit a été écrit en 2008 par notre ami Octavio Alberola, membre des GALSIC (Groupes d’appui aux libertaires et aux syndicalistes indépendants de Cuba). Il s’agit d’une critique du livre Les héritiers du Che, de Canek Sánchez Guevara et Jorge Masetti, qui fut publié sur la revue libertaire internationale Divergences.
À l’occasion du 40e anniversaire de la mort d’Ernesto Guevara, plus connu comme le Che, les éditions Presses de la Cité ont publié un livre, Les héritiers du Che, de Canek Sánchez Guevara et Jorge Masetti. Cet ouvrage s‘est ajouté à la longue liste des édités cette année sous le prétexte d’une commémoration qui, contrairement à ce que voulait représenter le Che, s’est convertie en une des plus commerciales du monde.
La disparition de notre ami et compagnon cubain Canek Sánchez Guevara
Notre ami et compagnon cubain Canek Sánchez Guevara vient de mourir à Mexico des suites d’une opération du cœur. Il avait 40 ans, fils d’Hildita Guevara, il était le petit-fils rebelle du Che.
Dans les langues anciennes du Mexique, Canek voulait dire le « Serpent noir ». Né à La Havane en 1974, depuis plusieurs années, il menait une existence vagabonde afin de poursuivre le voyage de son grand-père en Amérique latine. Il tenait depuis un journal qu’il avait appelé « Voyage sans motocyclette ».
Irrévérencieux et plein de sagacité, il critiqua à de nombreuses reprises et très ouvertement la révolution cubaine, jusqu’à ce qu’il soit obligé, à 22 ans, d’abandonner son pays natale pour s’installer au Mexique où vivait une partie de sa famille.
Écrivain, musicien de rock et graphiste de talent, Canek était un anarchiste iconoclaste, un homme libre et courageux. À Cuba, dès son adolescence, il tourna le dos à la carrière de militaire de haut rang que voulait lui imposer son entourage. Punk et rebelle, il critiqua ouvertement les tenants du régime, les militaires et la bourgeoisie socialiste qui n’accepta jamais de voir l’héritier du Che s’opposer à eux.
Cuba-États-Unis : le goût aigre-doux du boléro
A la fin du XIXe siècle, l’écrivain cubain José Martí, en exil à New York, écrit une phrase célèbre de la littérature hispanique : « J’ai vécu dans le monstre et j’en connais les entrailles ». Le monstre, c’est les États-Unis. Martí meurt de retour dans l’île en 1895, stupidement tué par une balle pendant une bataille de la guerre d’Indépendance : Jonas ne sort pas impunément du cercle de la lampe et de la baleine étoilée. Trois ans plus tard, l’île est délivrée de l’Espagne. Cette liberté, acquise par la lutte d’un peuple et de ses intellectuels, est aussitôt confisquée par les États-Unis. Jusqu’en 1959, de dictatures en démocraties avortées, à travers toutes sortes de combats héroïques et d’aléas peu reluisants, Cuba devient le terrain de plaisir, de jeu et d’affaires de son grand voisin, de ses entreprises et de ses mafias. Il est difficile de saisir la portée et les enjeux du «grand rapprochement» actuel, si l’on oublie cette perspective.