Désespoir et espoir
Lettre adressée aux participants au Blockupy Frankfurt [1],
tenu du 16 au 19 mai 2012.
À ceux qui ne s’adaptent pas à ce monde, à toutes celles et tous ceux qui, avec nous, n’acceptent pas le crépuscule de l’humanité,
Maintenant, plus que jamais, le monde regarde simultanément dans deux directions.
La première révèle un monde sombre et déprimant. Un monde de portes qui se ferment, fermeture de vies, de possibilités, d’espoirs. Ce sont les temps de l’austérité. Tu dois apprendre à vivre avec la réalité. Tu dois obéir pour survivre et abandonner tes rêves. Et ne crois pas que tu vas pouvoir vivre en faisant ce qu’il te plaît. Tu auras de la chance si tu trouves un travail. Tu pourras peut-être étudier, mais seulement si tes parents ont de l’argent. Et même dans ce cas, ne t’imagine pas que tu pourras étudier dans une perspective critique. La critique a fui les universités et c’est tant mieux. À quoi bon critiquer puisque nous savons tous que le monde suit une trajectoire fixe. Il n’existe pas d’alternative, la domination de l’argent est la seule réalité. Il vaut mieux que tu oublies tes rêves. Obéis, travaille dur quel que soit le boulot que tu auras la chance de trouver, sinon, la vie qui t’attend consistera à fouiller les tas d’ordures, puisqu’il n’y aura plus d’État-providence pour te protéger. Vois, vois ce qu’il se passe en Grèce et apprends ! C’est là l’appauvrissement qui t’attend, c’est ce qu’il t’arrivera si tu ne te soumets pas, c’est la punition que réserve l’école de la vie aux enfants qui ne se conduisent pas bien, qui ont des projets ambitieux, qui demandent trop.
Un regard vers un Cuba libertaire
Critique du livre “Cuba : révolution dans la révolution” parue dans l’hebdomadaire “Le Monde libertaire” du 6 juin 2012.
Pourquoi tourner à nouveau notre regard vers Cuba, vers cette île qui vit aujourd’hui sous les décombres d’un rêve égalitaire engendré lors de la « geste révolutionnaire de 1959 » ?
Parce que, comme partout dans le monde, des indignés de New York et de Madrid aux révoltés de Tunis et du Caire, à Cuba comme ailleurs une question se pose : que faire de la colère, de la révolte ?
En France, nous votons, nous changeons de gouvernement, nous manifestons, nous occupons les rues, nous demandons que cela change… Et rien ne change ! À Cuba, la démocratie participative, la démocratie syndicale, la liberté d’expression et la liberté de circuler sont réduites, voire inexistantes. Les principaux témoins de ce livre sont à la recherche d’un autre modèle que celui qui est imposé de façon autoritaire dans le cadre du « socialisme réel », mais ils sont aussi en rupture avec le modèle capitaliste imposé aujourd’hui dans les pays de l’Est et la Chine.
Foire à l’Autogestion de Paris
Phénomène planétaire, l’autogestion s’inscrit dans la longue tradition historique des coopératives et des « récupérations d’entreprises », de la Commune de Paris au Printemps de Prague, de la Révolution espagnole à la Pologne d’août 1980, de Lip à l’Argentinazo en 2001. Elle apparaît dans les luttes récentes à Philips-Dreux, à Fralib et à SeaFrance. Elle imprègne également les pratiques alternatives, de la réappropriation collective de l’habitat au lien direct avec les paysans et les producteurs.
“Contester à Cuba”. Un livre de Marie-Laure Geoffray
Notre amie Marie-Laure Geoffray vient de publier cet ouvrage préfacé par Olivier Dabène.
La chute spectaculaire de plusieurs régimes autoritaires à l’occasion du “printemps arabe” de 2011 ne doit pas nous inciter à la paresse intellectuelle. La tentation est pourtant forte de voir dans ces événements une validation des thèses téléologiques et normatives sur la fin de l’histoire et le caractère inéluctable de l’avènement mondial de la démocratie. Les commentaires ne manquent pas qui évoquent une globalisation ne tolérant plus d’écart par rapport à la norme libérale occidentale ; la longévité des régimes autoritaires ne mérite plus guère d’attention, puisqu’ils sont suspendus à un fil ténu qui menace de rompre à tout moment.
Une critique de “Cuba : révolution dans la révolution” sur le blog de la Fondation Pierre Besnard
Cuba, révolution dans la révolution
Chueca Miguel, Negrete Karel, Pinós Daniel Cuba : révolution dans la révolution, Paris éd. CNT RP, 2012, 325 p. 18 euros
Abondamment illustré, fortement documenté, le livre s’ouvre et se ferme sur deux contributions de Cubains de la revue Iztok, revue libertaire sur les pays de l’Est, dans les années 1980. Un hommage au passage sur la capacité anarchiste d’analyse des sociétés du socialisme réel (ou scientifique) bien avant que la majorité des léninistes voient imploser l’échafaudage de « l’invincibilité de la direction bolchévique » (avant-dernière phrase et citation de Staline, Histoire du PC de l’URSS en russe, 1939, réédition de 1945, p. 346).
Les images du 6e Forum social de La Havane
Le 6e Forum social du réseau Observatoire critique de La Havane vient d’avoir lieu
Les samedi et dimanche 26 et 27 mai 2012 a eu lieu, au centre communautaire la Ceiba de La Havane, le 6e Forum social du réseau Observatoire critique.
L’Observatoire critique regroupe une myriade de projets autonomes qui ont en commun la volonté de promouvoir les initiatives visant à l’auto-organisation, à partir des idéaux de la gaucha anticapitaliste, anti-autoritaire, anti-bureaucratique. Ces forums annuels se convertissent en un espace d’échanges d’expériences, de réflexions théoriques, non seulement pour les membres du réseau, mais ils permettent aussi de recevoir des invités de grande qualité intellectuelle venant de la société cubaine.
Le film de la présentation de “Cuba : révolution dans la révolution” à la Maison de l’Amérique latine de Paris
Présentation du livre “Cuba : révolution dans la révolution”
Un document de 50 minutes :
http://www.dailymotion.com/video/xr6b4w_cuba-revolution-dans-la-revolution_news
Intervenants par ordre d’apparition :
- Miguel Chueca, pour les éditions CNT
- Daniel Pinós, pour le GALSIC (Groupe d’appui aux libertaires et aux syndicalistes indépendants de Cuba)
- Karel Negrete, pour l’Observatoire Critique de la Havane
- Et les interventions du public présent à cette occasion.
Une initiative de l’association Terre et Liberté pour Arauco.
Maison de l’Amérique Latine à Paris, enregistré le 25 mai 2012.
Licence non commerciale (creative commons).
Pantuana TV : http://www.dailymotion.com/pantuana
Pour plus d’infos sur l’Amérique Latine : http://lionel.mesnard.free.fr
Révolution castriste, politique culturelle et culture artistique à Cuba
« Por eso proponemos adoptar en el marco de nuestra política cultural y de la cultura artística, actitudes que correspondan a nuestra condición de triunfadores, a las de la revolución socialista. Una cosa es la continuidad histórica y cultural, la defensa de las tradiciones y manifestaciones progresistas de la cultura nacional y su discernimiento y apropiación crítica, y otra confundir lo cubano y nacional con un inventario pasivo del pasado cultural y artístico ».
Alfredo Guevara*, « Discurso pronunciado el 5 de Octubre de 1977 en la apertura de una exposición en el Palacio de Bellas Artes ».
*Alfredo Guevara n’a pas de lien de parenté avec Ernesto Che Guevara
Introduction
La Révolution cubaine est certainement l’une des révolutions qui a, dès son accession au pouvoir, démontré un intérêt le plus soutenu pour la question culturelle et artistique. Très tôt, cet intérêt s’est manifesté par diverses mesures et lois, dont la création emblématique de l’Instituto Cubano de Arte e Industria Cinematográfica (ICAIC), à peine trois mois après la victoire castriste et bien avant la création d’un parti uni, la tenue d’un congrès des forces politiques prorévolutionnaires, l’existence d’un gouvernement stable ou le lancement d’une réforme agraire, en est le parfait reflet.
Cuba, l’insécurité alimentaire
Face à une production insuffisante, La Havane tente de réformer le secteur agricole sans renier les acquis castristes. Plongée dans un système à bout de souffle
«Eh là, c’est mon tracteur !» Sourire un peu narquois aux lèvres, Miguel Izquierdo désigne d’un vaste mouvement de bras le bœuf tout en muscles qui se protège du soleil dans son abri au toit de palmes. Autour de l’enclos, une dizaine de parcelles de terre rougeâtre sont séparées par des rangées de plants de maïs. «Les épis attirent les insectes et les moucherons, ce qui nous évite de traiter chimiquement les semis», explique Miguel, l’un des 140 agriculteurs associés sur 215 hectares dans la Coopérative Leonor-Perez de la municipalité La Lisa (province de La Havane). A une trentaine de kilomètres de la capitale, La Havane, il cultive environ 3,5 hectares de carottes, tomates, haricots, salades, avocats ou goyaves. Deux vaches pour le lait, une dizaine de cochons pour la viande, un poulailler et quelques clapiers : le tour de la propriété est vite fait.